Les caméras installées par la mairie de Toulouse ont permis d’interpeller une femme accusée d’avoir tagué la basilique Saint Sernin. Il n’en fallait pas plus pour que soit relancé un vieux débat sémantique : doit-on parler de vidéosurveillance ou de vidéoprotection ? Le Journal Toulousain est allé vérifier.
Ce lundi 19 avril, une femme de 59 ans a été interpellée, accusée d’être l’auteure de tags insultants, anti-chrétien et anti-sémites sur la basilique Saint-Sernin de Toulouse. Ce sont les images des caméras de la municipalité qui ont permis de l’identifier. De quoi susciter les réactions de deux adjoints à la mairie. Celle de Jean-Jacques Bolzan, en charge du bien manger, se félicitant de « la vidéo surveillance mise en place à Toulouse par Jean-Luc Moudenc ». Et celle de Pierre Esplugas-Labatut, en charge des musées, qui écrit laconiquement : « S’il fallait douter de l’intérêt de la vidéo-protection… ». Lequel des deux utilise le bon terme ?
Grâce à la vidéo surveillance mise en place à Toulouse par @jlmoudenc : Tags insultants devant l’église Saint-Sernin : une femme de 59 ans interpellée https://t.co/cqWofHR7sJ via @ladepechedumidi
— JJBOLZAN (@JJBolzan) April 21, 2021
S’il fallait douter de l’intérêt de la vidéo-protection …
Toulouse. Tags insultants devant l’église Saint-Sernin : une femme de 59 ans interpellée https://t.co/pGoKrs74Lu via @ladepechedumidi— Pierre ESPLUGAS-LABATUT (@pierreesplugas) April 21, 2021
La Commission nationale informatique et libertés (Cnil), garante de la vie privée numérique des Français, fait une distinction assez nette. Selon elle, « les dispositifs de vidéoprotection filment la voie publique et les lieux ouverts au public : rue, gare, centre commercial, zone marchande, piscine etc. Et les dispositifs de vidéosurveillance filment les lieux non ouverts au public : réserve d’un magasin, entrepôts, copropriété fermée etc. » Alors que dans les textes officiels de la République, on ne se pose plus la question. Selon l’article 17 de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, adoptée le 14 mars 2011, « dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot “vidéosurveillance” est remplacé par le mot “vidéoprotection” », un néologisme.
« C’est un appauvrissement du langage ! » s’insurge Jean-Paul Fitoussi, professeur émérite d’économie à Sciences-Po Paris. Il voit dans ce glissement sémantique « une propagande pour faire croire aux gens qu’on les protège alors qu’on les surveille. En réalité, les caméras peuvent très bien faire les deux. Et il faut continuer d’utiliser les deux termes ». Auteur, en 2020, de « Comme on nous parle », l’économiste y décrit « l’emprise de la novlangue sur nos sociétés » et ses conséquences. En citant 1984, de Georges Orwell : « Le véritable but de la novlangue est de restreindre les limites de la pensée ». Ou Joseph Goebels, le chef de la propagande nazi, qui disait : « Nous ne voulons pas convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire de telle façon qu’ils ne puissent plus exprimer autre chose que nos idées. »
Jean-Paul Fitoussi ne manque pas d’exemples à puiser dans ce langage politiquement correct. Ainsi, les plans de licenciements sont devenus des plans de sauvegarde de l’emploi ; on appelle les balayeurs des techniciens de surfaces ; et on ne dit plus depuis longtemps salaire indirect, mais charges sociales… « On retrouve également cette acception dans la culture anglo-saxonne », rapporte le professeur, qui est également membre du centre de recherche de l’université américaine de Colombia. « Cela permet de faire passer l’idée que sans ces charges, le pays se porterait mieux. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec un gouvernement qui, sans aucune contrainte, en pleine crise, peut couper dans les allocations chômage et les retraites. »
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