Faute de pouvoir organiser des concerts, artistes et professionnels de la musique se sont rapidement tournés vers le livestream depuis le début de la crise sanitaire. Un phénomène en pleine explosion qui pourrait bien s’installer durablement comme un nouveau moyen d’amener la musique dans les foyers.
Hormis une parenthèse limitée entre les deux confinements, cela fait désormais plus d’un an que les concerts sont mis en sourdine en France. Mais depuis ce temps, un nouvel adage s’est développé dans le secteur : si tu ne peux pas aller vers la musique, c’est la musique qui viendra à toi. En effet, pour éviter d’être totalement à l’arrêt, comme dans tant d’autres domaines depuis l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, de nombreux professionnels se sont très rapidement tournés vers le numérique. Et en particulier vers un phénomène en pleine essor : le livestream, terme désignant la diffusion en temps réel d’une vidéo.
La pratique n’est pas nouvelle. La radio, notamment, a depuis longtemps mis en place cette technique en diffusant des concerts retransmis en direct sur les ondes. Plus tard, à partir des années 2010, les vidéos en direct se sont institutionnalisées sur les réseaux sociaux avec le lancement de Youtube Live, Twitch, Facebook live, Periscope ou encore les stories de Snapchat. « Jusqu’à présent, les artistes se servaient de ces fonctionnalités simplement pour faire de la promotion et essayer de toucher un nouveau public. Au début du premier confinement, l’usage du livestream a évolué. Il s’agissait alors de maintenir un lien avec sa communauté de fans ou de participer à des événements de solidarité en rapport avec l’épidémie. Mais depuis, nous assistons à une explosion du nombre de plateformes dédiées. Beaucoup de professionnels disent que cela va durer », éclaire Maxime Thibault, responsable du pôle innovation du Centre national de la musique (CNM).
En effet, devant les mesures de distanciation qui s’éternisent, beaucoup voient le livestream comme un nouvel enjeu de stratégie de développement. Une manière aussi de générer des revenus complémentaires, alors que l’essentiel de ceux-ci étaient, de plus en plus, liés aux lives et aux tournées. Reste pour cela à trouver un modèle économique pérenne. Et autant dire que dans ce domaine, le livestream en est à ses balbutiements. Il existe en effet autant de formes de livestream que de moyens de les monétiser : libre participation des spectateurs, système de pourboire à l’image des “tips” récoltés par les streamers spécialisés dans les jeux vidéos sur Twitch notamment, entrée payante pour accéder au contenu live, publicité, abonnement à une plateforme, accès au live conditionné à l’achat de merchandising…
Du point de vue du public, l’engouement semble aussi être au rendez-vous. « On sait encore peu de choses à ce sujet. Selon une étude réalisée en mai 2020, beaucoup de personnes se disaient prêtes à regarder des concerts en livestream mais moins à payer. Ce qui est sûr, c’est que l’intérêt est croissant et que ces données vont évoluer. Beaucoup de concerts payants ont eu un gros succès depuis le premier confinement », assure Maxime Thibault. Ce dernier cite notamment l’exemple du concert du groupe de K-pop BTS, en juin en 2020, pour lequel 740 000 billets ont été vendus. Faisant de l’événement celui ayant généré le plus de revenus à ce jour.
En France, Matt Pokora a vendu plus de 20 000 tickets pour son show en livestream depuis la Seine Musicale, en décembre dernier. Le concert était retransmis sur la plateforme Inlive stream, créée spécialement pour l’occasion par le manager de Matt Pokora et qui depuis, diffuse d’autres spectacles. « En plus des plateformes habituelles, beaucoup de nouveaux acteurs se sont engouffrés dans le créneau. Les billettistes, notamment, y voient une possibilité de se diversifier », poursuit l’expert.
Aussi florissant soit-il, ce nouveau marché ne remplacera toutefois jamais les concerts selon lui. « C’est un concept différent qui ne peut pas égaler l’expérience du spectacle vivant. A priori, on peut se dire qu’il n’y a pas grand intérêt à regarder un concert sur son écran, sauf si la qualité est excellente ou que des interactions nouvelles sont proposées, comme avoir accès aux coulisses, ou entrer directement en relation avec l’artiste. Nous n’en sommes qu’au début », conclut maxime Thibault.
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