Comme dans n’importe quel lotissement, chacun des habitants de l’éco-hameau de Verfeil-sur-Seye est propriétaire de sa propre maison. Mais, ici, les clôtures sont interdites et les chambres d’amis toutes réunies au sein d’un bâtiment collectif.
On ne choisit pas sa famille, dit l’adage. Et, bien souvent, on ne choisit pas ses voisins non plus. Sauf dans certains cas, comme au sein de l’éco-hameau de Verfeil-sur-seye, dans le Tarn-et-Garonne, où une dizaine de familles ont fait le choix de bâtir ensemble leur lieu de vie. Conçu en 2004, ce projet d’habitat collectif a véritablement vu le jour en 2013 quand les habitants ont posé la première pierre sur le terrain. Ou plutôt, la première botte. En effet, ici, toutes les maisons sont construites en paille. « Juridiquement, nous sommes considérés comme un lotissement. Le site est constitué de douze parcelles constructibles, d’un bâtiment collectif et de deux hectares de terrain, sous le régime de la copropriété », présente Stephan Gutierrez, entrepreneur dans l’écoconstuction et membre du collectif. Aujourd’hui, le lieu compte 11 maisons et 24 habitants. 15 adultes et 9 enfants.
Dans l’écohameau de Verfeil, le projet n’est pas de tout partager. Chaque famille est propriétaire de sa maison et de son lopin de terre. De quoi permettre une certaine indépendance et garantir une part d’intimité. Néanmoins, s’installer ici implique de partager certaines valeurs fondamentales et d’accepter de s’engager dans la vie en collectivité. « Ce lieu a une raison d’être : rechercher l’équilibre entre l’individu et le collectif en même temps qu’entre l’être humain et la nature qui l’environne. Pour intégrer le hameau, il faut évidemment être en accord avec ces principes et passer par un processus d’inclusion », rappelle Stephan Gutierrez, l’un des plus anciens habitants. Et, première règle : les clôtures sont interdites. « Nous sommes là pour apprendre à vivre ensemble avec intelligence. Nous sommes dans une logique d’entraide et de mutualisation », ajoute-t-il.
En effet, en plus d’un potager et d’un jardin-forêt où les habitants ont déjà planté près de 600 arbres, l’écohameau est bâti autour d’une Maison commune. Encore en travaux, ce lieu prévoit d’accueillir une cuisine collective, une salle de réunion, mais également une buanderie partagée, ainsi que trois chambres d’amis. « Cela permet de faire des maisons plus petites et donc moins consommatrices en matériaux de construction ou en énergie », souligne Stephan Gutierrez. Autant de lieux qu’il faut entretenir, développer et faire vivre d’un commun accord. « Comme dans n’importe quel lotissement, les espaces communs sont gérés par une Association syndicale libre (une sorte de syndicat de copropriété, NDLR). Pour les activités qui peuvent impliquer des personnes extérieures, nous avons monté une autre association. Nous nous réunissons pendant une heure trente tous les jeudis pour évoquer les questions liées à la vie du hameau », détaille-t-il. Au total, si l’on ajoute la journée hebdomadaire de travail collectif, chaque habitant consacre approximativement une centaine d’heures annuelle à la vie et l’entretien du lieu. Et, bien sûr, quand l’un des habitants descend « faire ses courses à la ville », il avertit ses voisins afin d’optimiser son voyage. Ici, le covoiturage est une évidence.
Mais, si les petits coups de main sont spontanés, la conduite de travaux plus importants suppose un modèle d’organisation structuré où chacun puisse trouver sa place. « Nous nous servons d’outils élaborés par l’Université du Nous, une organisation qui explore les questions du ”faire-ensemble, et qui nous permettent de tendre vers un modèle de sociocratie. Nous avons une série de textes qui régissent notre fonctionnement », explique Stephan Gutierrez. Ainsi, toutes les décisions sont prises à l’unanimité lors des cercles de parole, où il est défendu d’interrompre celui qui s’exprime. Les participants sont également appelés à ne pas s’opposer catégoriquement sans proposer d’alternatives. « C’est une démarche qui nous fait grandir. Cela nous apprend à nous confronter aux autres, à lâcher prise et cultiver la bonne volonté », se félicite-t-il. Celui-ci se réjouit, d’ailleurs, de voir les enfants s’inspirer naturellement de cette démarche et organiser leurs propres cercles de parole. Pour Stephan Gutierrez, en offrant un espace de démocratie appliquée, l’éco-hameau de Verfeil-sur-Seye a permis à ses habitants de reconquérir leur pouvoir de décision.
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