Le témoignage d’un bénévole de l’antenne toulousaine de SOS amitié, qui estime que le confinement fait augmenter le nombre de personnes aux idées suicidaires.
« Depuis le Covid, il y a beaucoup plus de gens qui parlent de suicide », constate Richard*, bénévole « écoutant » de l’antenne toulousaine de SOS Amitié. Selon lui, le curseur à partir duquel de telles idées noires surgissent a baissé : « Avant, il s’agissait de personnes se trouvant dans des situations réellement très compliquées. Aujourd’hui, il arrive que leurs raisons ne soient pas vraiment évidentes. Je crois que la morosité générale ambiante affecte énormément les plus fragiles psychologiquement ».
Et de citer l’angoisse du virus, des hospitalisations, mais aussi des récentes manifestations contre les violences policières, le tout relayé en permanence sur les chaînes d’information en continue. « Il y a une grande incertitude sur les choses. On ne sait pas s’il y a encore un pilote dans l’avion. C’est une période déroutante et donc très déstabilisante ». Et, en tant qu’ancien responsable d’une équipe de recherche dans l’industrie pharmaceutique, Richard sait qu’ « il n’y a rien de plus communicatif que la perte de moral. Elle se répand beaucoup plus facilement que la joie ».
Ce qui le rassure, c’est que la plupart des personnes qui évoquent avec lui la possibilité de mettre fin à leurs jours se ravisent : « Ils veulent juste que cesse la situation dans laquelle ils se trouvent. Tout arrêter, mais pas mourir. » Ce qui n’est pas le cas des « suicidants », ceux prêts à passer à l’acte. En 17 ans d’écoutes, Richard en a connu une demi-douzaine, le dernier datant du mois d’octobre. Retraité dans la région toulousaine, il échange ainsi une dizaine d’heures par semaine avec des personnes en mal de relations sociales. « Beaucoup appellent uniquement parce qu’ils ont besoin de parler. De tout et de rien. Et il faut toujours veiller à ce que, derrière ces appels de conversation, ne se cachent pas des problèmes plus graves ». Une vigilance qui doit redoubler en période de confinement, notamment auprès des personnes qui ont perdu le peu d’interactions sociales qu’il leur restait.
Figurant parmi les doyens de l’antenne locale de SOS Amitié, l’homme connaît parfaitement les techniques d’approche. « Si vous souhaitez que quelqu’un vous parle sincèrement de lui, il faut installer un climat de confiance. Pour cela, vous devez lui montrer que ce qu’il dit vous touche, mettre en parole vos propres émotions. » Une aptitude que Richard cultive, transmet en tant que formateur des nouveaux écoutants, et met à profit dans sa vie quotidienne. « J’ai toujours voulu savoir comment les choses fonctionnent. Durant ma carrière, l’objet de mon étude fut le cœur. Chez SOS amitié, c’est le cerveau et sa psychologie ». Il souhaiterait que la ligne d’écoute de l’antenne toulousaine puisse fonctionner 24 heures sur 24 et regrette donc que le nombre de bénévoles, une quarantaine à ce jour, n’y soit pas suffisant. D’autant plus dans les mois à venir, qui s’annoncent difficiles à vivre.
*Les bénévoles de l’association SOS Amitié étant tenu à un strict anonymat, le prénom a été changé.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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