En Occitanie comme partout en France, les professionnels des laboratoires d’analyses médicales sont en grève, au moins jusqu’au mercredi 16 novembre, pour protester contre une imposition annuelle de 250 millions d’euros.
« Nous ne faisons pas apparaître de l’argent dans des tubes à essai », raille Richard Fabre, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) biologistes Occitanie. Ceci, en réaction au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), porté par le gouvernement, qui a provoqué la grève de l’ensemble du personnel des laboratoires d’analyses médicales dès ce lundi 14 novembre. Le mouvement devrait durer jusqu’au mercredi 16 novembre.
En Occitanie, près de 90 % des laboratoires ferment donc leurs portes pendant trois jours. La grève pourrait être reconduite dans les semaines à venir si aucun accord n’est trouvé entre les quatre principaux syndicats du secteur, à savoir Biomed, le syndicat des biologistes (SDB), le syndicat des laboratoires de biologie clinique (SLBC), le syndicat national des médecins biologistes (SNMB) et la Caisse nationale de l’Assurance Maladie (CNAM). Explications.
Depuis 9 ans, l’économie des laboratoires d’analyses médicales fonctionne selon un système particulier. Celui-ci prévoit la révision, tous les trois ans, du budget de la biologie française, suite à une négociation menée en lien avec l’Assurance Maladie. « Ce protocole fonctionne très bien depuis sa mise en place. Il permet d’avoir une vision à long terme de nos chiffres d’affaires, et donc, de pouvoir programmer nos investissements, etc », explique Richard Fabre.
Le troisième accord paritaire (portant sur les années 2020 à 2022), arrive à échéance à la fin du mois de décembre. Les syndicats sont donc actuellement au siège de la CNAM à Paris pour débattre de la mise en place d’un quatrième protocole (2023 à 2025). Mais un article (27) du projet de loi de financement de la sécurité sociale vient de jeter un vent glacial sur les négociations.
L’épidémie de Covid-19 a généré une forte augmentation de l’activité des laboratoires d’analyses médicales. Trois millions de tests étaient par exemple réalisés quotidiennement en France durant les pics de contamination. « Ceci a provoqué un doublement du chiffre d’affaires des laboratoires, passant de trois à six milliards d’euros durant les deux dernières années », admet le président de l’URPS biologistes Occitanie.
Face à ce constat, l’État leur demande, par le biais du PLFSS, de donner une contribution s’élevant à 250 millions d’euros en 2023. « À savoir que sur les six milliards d’euros de chiffre d’affaires, il faut soustraire tous les investissements onéreux que nous avons dû réaliser en période Covid (équipements, ouvertures de sites, appel aux étudiants en renfort, etc), sans aides de l’État. À la fin, nos bénéfices s’élèvent à environ 800 millions d’euros. Ce qui reste largement convenable. C’est pourquoi nous avons accepté d’accorder au gouvernement la contribution de 250 millions d’euros demandée », concède Richard Fabre.
Le problème n’est pas là. En revanche, le gouvernement souhaite la mise en place de cette même contribution chaque année. Et ce, au moins jusqu’en 2026. « Nous sommes d’accord pour aider, mais ce qui est exceptionnel doit rester exceptionnel », s’agace le président de l’URPS biologistes Occitanie : « L’épidémie de Covid-19 va se terminer, nous l’espérons tous. Et, avec elle, se terminera l’augmentation de notre chiffre d’affaires. Donc nous ne voyons pas pourquoi nous devrions continuer à être taxés de 250 millions d’euros tous les ans ».
Selon Richard Fabre, l’obligation de règlement de cette ponction de 250 millions d’euros risque de peser lourd sur les laboratoires de biologie médicale. « Pour pouvoir régler cette somme dans les prochaines années, nous allons être obligés de faire des économies sur les sites les moins rentables, donc potentiellement fermer des laboratoires de proximité et créer des “déserts de labos” », s’inquiète-t-il. Ainsi, 10 % des sites de proximité seraient menacés. « Ce serait la fin du modèle de biologie de proximité », affirme le président de l’URPS biologistes Occitanie.
Pour pallier ces potentielles fermetures, le gouvernement prévoit l’élargissement de la liste des professionnels aptes à réaliser des analyses. Concrètement, les médecins et infirmiers, par exemple, sont déjà autorisés à réaliser des prélèvements, mais les analyses sont pour l’heure obligatoirement effectuées par les laboratoires. Avec le nouveau PLFSS, le gouvernement propose que les analyses puissent aussi être assurées « par de petites machines, installées dans les Ehpad, les groupes médicaux… Autrement dit, de la biologie d’une qualité médiocre et qui coûte horriblement cher. De plus, les médecins ont aujourd’hui d’autres choses à faire, il est inutile de leur donner une charge de travail supplémentaire », assure Richard Fabre.
« C’est le gouvernement qui a décidé de mettre en place une politique du “quoi qu’il en coûte” pendant la crise de la Covid-19. Pas nous. Maintenant qu’il doit payer, il recherche de l’argent par tous les moyens… », regrette le président de URPS biologistes Occitanie. Ce dernier assure que depuis la mise en place des accords paritaires il y a 9 ans, le coût de la biologie s’est abaissé de 66 à 57 euros par an et par “assuré social”. « Nous sommes les seuls professionnels de santé qui maîtrisent correctement leur budget, que ce soit avant la Covid ou pendant. Il serait idiot de taper sur les bons élèves qui pas de problème de pénurie de main-d’œuvre ni de désert médical ni d’exercice… Ce n’est pas en les tuant que le gouvernement va améliorer le système ».
Si les négociations n’aboutissent pas et qu’aucune solution n’est trouvée entre les syndicats et la Caisse nationale de l’Assurance Maladie avant la fin du mois de décembre, le gouvernement « autorise cette dernière à mettre fin au système d’accord paritaire mis en place depuis 9 ans. Et ça, nous l’acceptons encore moins. Car nous allons revenir à un système “totalitaire” dans lequel la CNAM pourra se servir à sa guise dans les caisses des laboratoires, des radiologues, des pharmacies, etc, dès qu’un nouveau plan de financement de la sécurité sociale sera voté », s’insurge Richard Fabre. L’ensemble des acteurs de la négociation se trouvent donc actuellement dans une impasse. Et aucune issue favorable aux deux parties ne semble encore se dessiner.
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