Suite aux nombreux témoignages d’étudiantes en journalisme victimes de sexisme durant leurs stages, le JT a cherché à savoir ce que mettent en place les écoles de journalisme pour anticiper ces problèmes et comment elles y font face.
Parmi les difficultés rencontrées par les étudiantes victimes de comportements sexistes durant un stage, la première consiste à savoir vers qui se tourner pour signaler le problème. Coincées entre l’entreprise qui les accueillent et leur institut de formation, les élèves ont souvent tendance à faire le choix… de se taire.
Même si, de ce fait, les écoles de journalisme peinent à évaluer l’ampleur du phénomène, celles-ci ont bien conscience du risque que représentent les périodes de stage ou d’alternance. “Ce genre de situations arrivent toujours plus fréquemment vis à vis des plus précaires, c’est un grand classique. Mais entre ce qui se passe sur le terrain et ce qui nous remonte, il y a une grande différence, c’est là toute la difficulté”, explique Pascale Colisson, responsable pédagogique de l’Institut pratique de journalisme (IPJ) de Paris-Dauphine.
Pour autant, cette dernière n’est pas restée les bras croisés en attendant que les étudiants osent franchir la porte de son bureau. Avec son homologue Sandy Montañola, maîtresse de conférence à l’université de Rennes 1 et responsable du DUT journalisme de l’IUT de Lannion, elle conduit depuis décembre 2018 la Mission Égalité et lutte contre les discriminations mise en place par la Conférence des écoles de journalisme (CEJ), structure qui regroupe les 14 écoles reconnues par la profession en France.
“Cette réflexion a démarré au printemps 2017, juste avant Metoo. Suite à la Conférence nationale des métiers du journalisme (CNMJ) qui avait pour thème cette année-là la question du genre, nous avons initié, avec Sandy Montañola, une enquête dont les résultats se sont avérés édifiants”, raconte Pascale Colisson. A la vue des réponses apportées sur les signalements de cas de sexisme par les étudiants ou sur la formation des intervenants quant aux comportements inappropriés, les deux collègues se rendent comptent que les écoles étaient dans le déni.
Un électrochoc qui va donc aboutir à la création de cette mission dont l’objectif est de dresser un état des lieux du fonctionnement interne des établissements et de les accompagner en mettant en place des actions communes. La première sera de nommer un référent “égalité” dans chaque école pour faire le lien avec le CEJ. Leur rôle étant de proposer un premier contact aux étudiants, de veiller à la mise en place de procédures égalitaires, de cours dédiés et de fournir les données de son école dans le cadre du renouvellement annuel de l’étude auprès des écoles.
En outre, un dispositif de lutte partagé contre le harcèlement est créé à destination des étudiants. “Il s’agit notamment de mettre à disposition des écoles et des intervenants de nombreuses ressources pour reconnaître les violences et définir les comportements inappropriés. Dans le même esprit, nous proposons également des formations sur une journée entière spécifiquement sur ces sujets”, détaille Pascale Colisson.
Autre volet du plan d’action de la CEJ sur le sexisme, des réunions sont organisées entre les écoles de journalisme et les médias partenaires, susceptibles d’accueillir des stagiaires. Ces rencontres ont notamment abouti à la création d’un annuaire de référents au sein des médias pour permettre aux étudiants de savoir vers qui se tourner en cas de problèmes. A France Télévisions, par exemple, des parrains et marraines de stagiaires sont désignés dans chaque sous-service afin de réduire le niveau de hiérarchie.
“Il y a encore des trous dans la raquette mais depuis trois ans, il y a eu un bond en avant incroyable que nous avons pu confirmer via une nouvelle enquête. Nous avons donné des outils mais c’est aussi à chaque école de faire le job. Certaines ont mis en place des chartes, des cellules d’écoute et de manière générale, beaucoup d’informations, c’est très positif”, se félicite Pascale Colisson.
Désormais, la plupart des écoles de journalisme n’hésitent pas non plus à blacklister certains médias dans lesquelles sont survenus des cas de sexisme et qui n’ont rien mis en place à l’encontre des auteurs de comportements inappropriés. Même si certains établissements rechignent encore un peu à s’engager dans ce type de démarches, Pascale Colisson se montre plutôt confiante : “Les générations actuelles d’étudiants sont très sensibles sur toutes ces problématiques. Ils ne laissent plus passer certaines choses comme des paroles un peu graveleuses. Ce sont eux qui nous poussent à agir”
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