En pleine préparation d’une exposition itinérante sur la biodiversité, les muséographes du Muséum de Toulouse délivrent leur recette pour parvenir à transmettre un message aux citoyens de demain.
Chefs d’orchestre, metteurs en scène, vulgarisateurs ? Les muséographes sont un peu tout cela à fois. Au Muséum de Toulouse, ils sont une dizaine à composer l’équipe chargée de retranscrire en sensations le discours scientifique d’une exposition et ainsi faire en sorte de plonger les visiteurs en immersion. Une tâche aussi passionnante que délicate. « Quand nous concevons une exposition, nous devons constamment avoir en tête le souci de proposer plusieurs niveaux de lecture. Nous nous adressons bien sûr aux érudits, mais aussi à un public familial, et donc aux enfants. C’est dans l’ADN des Muséums d’histoire naturelle », assure Yanaël Delpech, chef de projet au sein du service muséographie de la vénérable institution toulousaine.
En ce mois de mars, ces alchimistes réfléchissent justement aux outils et dispositifs les plus pertinents pour accompagner l’exposition itinérante en préparation. Régulièrement, le Muséum conçoit des projets destinés à voyager dans d’autres musées, partout dans le monde. Une source de recettes autant que de rayonnement. Le titre, pas encore définitif, de cette future exposition : “La fin d’un monde ?”. Rien de moins. Une question que le Muséum avait déjà choisi d’accoler à l’exposition “Extinctions”, accueillie à Toulouse jusqu’en mars 2020, avant que le confinement ne l’interrompe soudainement. « Avec les difficultés de transport dues à la situation sanitaire, le Muséum de Londres, à qui nous avions loué l’exposition, nous a fait savoir qu’il ne souhaitait pas récupérer le mobilier. Dans un souci de cohérence et de durabilité, nous avons décidé de concevoir un nouveau projet en le réactualisant avec un angle plus citoyen », raconte Joy Latour, chargée de l’itinérance au sein du Muséum.
L’idée ? Sensibiliser les visiteurs à la protection de la biodiversité, « sans culpabilisation, en replaçant l’homme en tant qu’espèce et en s’interrogeant sur son caractère invasif ou non », poursuit la muséographe. Mais comment parler aux enfants de sujets si profonds ? Première étape, faire en sorte que le contenu proposé fasse écho aux programmes scolaires de chaque cycle. Deux enseignants détachés travaillent ainsi au Muséum pour établir des passerelles avec l’Éducation nationale. Ensuite, « il faut construire un parcours narratif, comme une histoire », assure Yanaël Delpech. « Raconter d’abord les conditions inouïes qui ont permis l’apparition de la vie sur Terre, la sédentarisation de l’Homme… Jusqu’au développement des moyens techniques et de l’économie de production », détaille-t-il.
Tout cela en gardant en tête plusieurs maîtres mots incontournables : interactivité, manipulations, plaisir des sens et en particulier du toucher. Ouvrir une valise pour y découvrir des illustrations, tourner une roue pour comprendre la chronologie des événements… Autant de gageures à l’ère des gestes barrières et de la distanciation. « Nous avons par exemple un dispositif central qui consiste, via un grand écran tactile, à mettre en relation nos choix en terme d’alimentation, de transport et de loisir avec les conséquences qu’ils engendrent sur la nature. La Covid-19 remet forcément en cause notre manière de fonctionner », souligne Joy Latour.
Parmi les autres réjouissances destinées aux plus petits, la future exposition mettra à leur disposition un jeu dans lequel ils auront pour mission de ramener de la biodiversité dans un champs agricole. En replantant par exemple des arbres, des haies, ou des ruisseaux. Un peu comme dans une partie de Sims. « En fait, nous sommes au cœur de multiples disciplines. Nous nous inspirons de tout ce que les enfants aiment dans la vie : les livres, les jeux de société, les jeux vidéo, bien sûr, ou encore les films d’animation », résume Yanaël Delpech.
Enfin, pour compléter la panoplie des outils permettant de faire passer le message, le Muséum peut compter sur la médiation. Que ce soit à travers l’équipe en place pour les expositions présentées à Toulouse, ou via des kits pour celles qui voyagent, tout un travail se joue également au moment où le visiteur se fraie un chemin parmi les éléments qui lui sont présentés. « Pour les enfants, cela peut par exemple se traduire par un livret d’enquête à remplir au fur et à mesure du parcours, comme nous l’avions fait pour l’exposition sur les “As de la jungle” en 2018 », rappelle Joy Latour.
Au Muséum, la transmission est donc un véritable travail collaboratif. Et le sujet de l’exposition en préparation mobilise particulièrement les équipes. « La biodiversité, c’est vraiment la raison d’être d’institutions comme la notre. L’enjeu, notamment auprès des enfants, est de recontextualiser ce qui nous arrive dans l’histoire de la Terre. De leur faire prendre conscience qu’il est rare qu’une espèce crée les conditions de sa propre disparition mais que des solutions existent tout de même », avance Yanaël Delpech.
A travers leur travail, les muséographes espèrent également recréer dans l’esprit des citoyens de demain ce lien qui n’a cessé de se distendre entre l’Homme et la nature. Un engagement totalement assumé, selon le chef de projet : « Il y a 10 ans, les Muséums se faisaient un devoir de rester neutres. Depuis, nous sommes de plus en plus amenés à nous positionner et à nous tourner vers l’avenir, plutôt que vers le passé. »
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