Outre les milliers de témoignages de victimes du sexisme qu’ils recueillent sur leur compte Instagram, les trois étudiants à l’initiative du projet Balance ton stage ont publié un manuel de prévention et souhaitent mettre en place des formations dans les écoles d’études supérieures.
C’est une initiative qui a pris « une ampleur imprévisible », avouent ses auteurs. En créant le compte Instagram Balance ton stage, Agathe, Simon et Camille, alors en troisième année à l’école de commerce EM Lyon, ne s’attendaient pas recueillir un tel flot de témoignages d’étudiants victimes de sexisme durant leurs stages. À partir de l’expérience commune vécue par les deux jeunes femmes lors de leur premier stage en entreprise, les trois amis ont ainsi mis le doigt sur un phénomène resté dans l’angle mort de l’énorme libération de la parole provoquée par le mouvement Metoo.
De jeunes femmes pas préparées à identifier et encore moins à réagir face aux comportements inappropriés dans un monde du travail qu’elles découvrent, un statut fragile, la peur aussi de ruiner une carrière à peine entamée… Autant de conditions particulièrement propices au sexisme sans que les victimes n’osent en parler. C’est pourtant ce qu’ont réussi à faire Agathe et Camille. Après avoir subi « des remarques déplacées sur la vie intime ou des discours stéréotypés dégradants sur la façon de travailler des femmes », les étudiantes, de retour sur leur campus, décident d’alerter la direction de l’école qui leur suggère de monter un projet de sensibilisation sur le sujet.
Avec Simon, elles commencent par un état des lieux des violences sexistes à l’encontre des étudiantes stagiaires de l’EM Lyon, via un sondage dont les résultats vont s’avérer édifiants. Sur les 170 étudiants ayant répondu à l’enquête, 23 % déclarent avoir été victimes d’outrages sexuels lors de leur stage de première année et 43 % disent en avoir été témoins. Aucune des victimes n’a porté plainte et seuls 5 % ont remonté les faits à l’école. De même, une victime sur trois n’en a parlé à personne, ni même à sa famille et ses proches.
Après la diffusion de l’enquête, de nouveaux témoignages affluent de toutes parts et poussent les trois étudiants à créer le compte instagram en juillet 2020. Contrairement au mouvement Balance ton porc, l’idée n’est pas de désigner une personne ou une entreprise en particulier mais « d’enclencher un éveil des consciences et donner de la visibilité au phénomène », explique Camille.
Ainsi Balance ton stage ne se contente pas de recueillir les témoignages de victimes du sexisme. Ses trois fondateurs ont décidé d’aller plus loin en publiant le « Petit manuel du sexisme en entreprise », en lien gratuit et accessible à tous. Destiné en premier lieu aux stagiaires, ce guide illustré par Elea Molmeret apprend non seulement à décortiquer les mécanismes du sexisme, mais il donne aussi des indications sur la marche à suivre pour se protéger et dénoncer les faits.
Pour la suite, Agathe, Simon et Camille entendent participer à un « changement structurel des mentalités » et souhaitent donc mettre en place des formations dans les écoles d’études supérieurs, construites avec un cabinet spécialisé sur le sujet. Des séances interactives qui feraient par exemple appel au théâtre d’improvisation pour mettre en scène des situations dont ont réellement été victimes les étudiantes.
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