Le collectif de danseurs et comédiens de Montpellier Les Essentiels a imaginé un spectacle de danse pour manifester. Une performance tout autant artistique que revendicative.
Manifester en exerçant son art. L’idée a germé dans l’esprit de Katia Benbelkacem devant les images d’un flashmob de commerçants et restaurateurs toulousains en colère, sur la place du Capitole, le 6 novembre dernier. « C’était une belle manière de réagir à l’annonce du deuxième confinement », estime cette chorégraphe montpelliéraine. Pour alerter le gouvernement sur le sort réservé à la culture, elle a donc imaginé « une performance revendicative », qui a été exécutée par 180 danseurs, chanteurs, comédiens ou circassiens de son réseau, le 12 décembre dernier, sur la place de la Comédie de Montpellier. « Pour tous les oubliés, les inutiles, les non-essentiels… Et si nous dansions ? » proposait ainsi ce nouveau collectif d’artistes, justement baptisé Les Essentiels.
Vêtus de noir et affublés d’un nez rouge, alignés en rangées, en respectant deux mètres de distance entre chacun, les performers ont réagi à l’unisson à la lecture d’une lettre écrite par la comédienne Ariane Ascaride adressée au président de la République. « Tout le monde devait tantôt serrer les poings, croiser les bras ou se coucher à la prononciation de quatre mots clés : culture, silence, néant, démoli », décrit Katia Benbelkacem. A cette scène a succédé une chorégraphie sur un morceau du groupe Led Zeppelin, « chargé de rage, à la hauteur de l’injustice que ressent la communauté artistique ». Et pour conclure ce spectacle d’un quart d’heure, les 180 artistes ont quitté les lieux en courant. « Il s’agissait d’éviter le stationnement des gens sur la voie publique, en conformité avec le protocole sanitaire de l’évènement défini avec les services de la préfecture de l’Hérault. Il y avait quelque part, dans cette dispersion, une certaine violence, qui correspondait à notre message. »
Devant des centaines de spectateurs, les artistes ont pu ainsi « se reconnecter au public et se rendre compte à quel point ils leur manquent ». La chorégraphe y a bien sûr vu l’occasion de rallier du monde à sa cause. « Plus on sera nombreux à râler et plus tôt les salles de spectacles rouvriront »n estime-t-elle. Elle constate également que l’expérience a permis de resserrer les liens entre les différentes disciplines artistiques. « Nous nous sommes rendus compte de notre force d’autonomie et de notre capacité créative commune », poursuit-elle. Avec Les essentiels, Katia Benbelkacem prépare un festival, qui pourrait avoir lieu en avril prochain, afin de mettre en avant les artistes locaux émergents. « Ce sont eux qui auront le plus de mal à se relever. L’idée est qu’ils puissent présenter des extraits de leurs spectacles ‘’mort-nés’’ pour cause de fermeture des lieux culturels. Offrir une mini-vie à ces œuvres, pour faire connaître leurs auteurs. »
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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