Agissement sexiste, harcèlement, violence, discrimination fondée sur le sexe : le droit distingue, défini et sanctionne le sexisme au travail. Avec plus ou moins de sévérité. État des lieux juridique avec Nathalie Leroy, avocate du travail au barreau de Lille.
« Il a fallu attendre l’année 2015 pour que la notion de sexisme entre enfin dans le code du travail », s’étonne Nathalie Leroy, avocate du travail au barreau de Lille. Depuis lors, le droit prévoit que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Une évolution juridique qui est « le fruit d’une volonté politique, comme souvent lorsqu’il s’agit d’égalité femme-homme. Quel que soit leurs partis, nos derniers présidents de la République se sont tous emparés de ce sujet », fait remarquer Nathalie Leroy. Celle-ci regrette toutefois que « cette codification ne soit rattachée à aucune sanction et ne donne lieu à aucun versement de dommages et intérêts ». Le seul moyen pour ce faire est de considérer les agissements incriminés comme « une exécution déloyale du contrat de travail », indique l’avocate.
De son côté, le harcèlement sexuel, comme les agressions ou le viol, est puni par la loi. En droit du travail, il donne lieu au versement par l’employeur de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi, qui oscillent entre 3000 et 20 000 euros. Et, en droit pénal, l’auteur des faits s’expose à une peine de 2 ans d’emprisonnement, assortie de 30 000 euros d’amende.
« Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle », dit la loi. Mais il peut aussi s’agir de la répétition d’agissements à caractère sexiste. « Cela peut être plusieurs petites blagues, des mains aux fesses, ou des regards appuyés. S’ils sont réitérés, ils mettent durablement la victime mal à l’aise et dégrade ses conditions de travail », plaide l’avocate.
En cas de dénonciation de harcèlement sexuel, une enquête est obligatoire. S’il ne la diligente pas, l’employeur risque de devoir verser des dommages et intérêts devant les Prud’hommes, « même si les faits ne sont pas avérés », indique Nathalie Leroy. En tant qu’avocate, celle-ci est autorisée à mener de telles enquêtes, depuis la loi Sapin 2 de 2016. « Cela demande en effet du professionnalisme et de l’indépendance. Or, généralement, les investigations sont confiées à des membres du personnel, peu formés et contraints d’interroger leurs collègues de travail ».
Il n’est pas possible de licencier quelqu’un parce qu’il a dénoncé des faits de harcèlement au sein de l’entreprise. Idem pour la victime. « En cas de procédure, le licenciement est alors considéré comme nul, sans cause réelle ni sérieuse », précise l’avocate du travail. Dans un pareil cas, « le code du travail est volontairement très dur avec les employeurs » : il n’y a pas de plafond de dommages et intérêts devant les Prud’hommes. Et, si elle est réintégrée, la personne injustement licenciée peut demander le paiement de l’intégralité de son salaire.
En droit pénal, « la discrimination est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elle consiste à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne en raison de son sexe ». Sur le plan civil, le droit du travail prohibe également toute différence de traitement, qu’il s’agisse de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
Par leurs décisions, les magistrats font sans cesse évoluer la jurisprudence. « La cour de cassation a placé des curseurs importants depuis 2020. Notamment en demandant aux entreprises de mettre en place tous les outils de prévention nécessaires. Si, d’un côté, elles forment les salariés et que, de l’autre, elles parviennent à ne pas recruter de prédateurs, alors elles sont sur la bonne voie », estime Nathalie Leroy. Enfin, l’avocate se soucie du sort des victimes lorsqu’elles retournent à leurs postes de travail : « Elle sont souvent mises au placard, ce qui constitue pour elles une seconde peine ».
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