Anxiété, perte d’appétit ou sentiment d’abattement… le confinement pèse sur notre moral. Le docteur Fanny Jacq, médecin psychiatre et directrice Santé mentale chez Qare, une application de téléconsultation, passe en revue les différents troubles psychiques et les symptômes qui doivent nous alerter.
Le confinement a-t-il eu un impact significatif sur la santé mentale des gens ?
Dès le premier confinement, nous avons constaté une recrudescence des téléconsultations en psychanalyse, comme en psychiatrie. Aujourd’hui, de nombreuses études ayant été menées sur le sujet, nous avons un peu de recul et nous pouvons discerner les principaux types de troubles psychologiques qui lui sont liés.
Quels sont-ils ?
En premier lieu, et c’est logique, nous avons fréquemment constaté un sentiment de lassitude. Une sorte d’état de fatigue psychologique, de trop-plein, où le cerveau commence à avoir du mal à absorber de nouvelles informations. Même si cela ne semble pas grave à priori, c’est un signe avant-coureur de troubles anxieux et de déprime.
Nous avons également observé des cas de troubles du sommeil ou de surmenage. Qu’ils soient d’origine professionnelle ou familiale. En effet, la crise a parfois incité les gens à travailler davantage pour augmenter leur rentabilité au sein d’entreprises en difficulté. Sans surprise, le confinement a également provoqué des rechutes de pathologies addictives comme le tabagisme, l’alcoolisme ou la consommation de cannabis.
Enfin, la crise sanitaire a favorisé des troubles moins communs comme l’hypocondrie et le développement de phobies de la contamination. Certaines personnes consultent leur médecin de façon excessive, se plaignent de difficultés respiratoires sans raisons ou font des tests PCR pratiquement tous les jours. D’autres, très inquiètes, ont développé des rituels de désinfection à outrance.
De manière plus générale, nous pouvons dire qu’il y a une nervosité ambiante. Les gens sont à fleur de peau et, quand cela touche des personnes qui ont un naturel impulsif, ils peuvent exploser. Cela s’est traduit par une recrudescence des violences, notamment domestiques.
Quelles en sont les principales causes ?
Il ne faut jamais perdre de vue que l’être humain a des besoins fondamentaux, comme celui de se projeter et de se fixer des objectifs. Le fait d’être brusquement privé de cette possibilité peut provoquer un phénomène d’abattement et, quand cela s’installe de manière durable, déboucher sur des pathologies anxieuses et dépressives.
Par ailleurs, l’humain est un être ritualisé qui a besoin de stabilité. Il n’aime pas les changements de rythmes, comme ceux qui ont pu être produits par l’alternance de confinement et de déconfinement. Ces variations sont une cause possible d’altération du sommeil. Or, au bout de huit mois, ces troubles peuvent devenir une maladie à part entière.
Enfin, il ne faut pas oublier que le confinement est une expérience traumatisante. Or, celle-ci est de moins en moins bien tolérée à mesure qu’elle se répète. Il y a un effet de résignation et d’épuisement de la patience.
Quels sont les principaux symptômes à surveiller ?
Les premiers signaux sont liés aux déséquilibres des fonctions essentielles, comme le sommeil, l’alimentation ou les interactions sociales, chez des personnes qui, habituellement, n’ont pas de problème à ce niveau-là. Tout changement brutal et significatif d’habitudes comportementales, comme un bavard qui se mure dans le silence, est un signal à prendre en compte.
Quand nous sommes confrontés à une situation traumatisante ou inconfortable, nous sommes censés développer des stratégies d’adaptation et d’évitement pour en contrer les effets négatifs. Il faut donc se poser des questions si l’on observe une personne qui ne met pas en place ces stratégies ou en développe de contre-productives.
Plus simplement, toutes les surconsommations, que ce soit de médicaments, de cigarettes, d’alcool ou de nourriture doivent nous alerter. De même, les crises de larmes sont l’un des symptômes les plus classiques de la détresse morale.
Quels conseils donneriez-vous aux gens pour se prémunir de ces risques ?
La première chose, c’est de s’observer. Se demander comment nous étions et comment nous fonctionnions avant le confinement. Et faire en sorte que la base, nos horaires, notre rythme et nos habitudes fondamentales changent au minimum.
La difficulté consiste à gérer le temps libre, les trous qui se créent dans un emploi du temps d’ordinaire plus chargé. Il faut donc réinventer les activités que nous ne pouvons plus pratiquer, ou les remplacer par quelque chose d’équivalent. Pour cela, il peut être judicieux de constituer un agenda de base dans lequel nous notons tout ce que nous faisions avant le confinement. Cela peut nous aider à préserver au mieux nos petites routines et rituels.
Par ailleurs, il est important de se fixer des objectifs personnels dont la réalisation n’est pas dépendante de la situation sanitaire. Par exemple maintenir un repas régulier en visioconférence avec des amis ou prendre une quinzaine de jours pour classer ses photos. L’être humain ne peut pas vivre intégralement au jour le jour.
Enfin, il faut trouver du positif et tirer parti, au mieux, d’une situation contre laquelle on ne peut pas lutter. Même si c’est difficile. Il faut continuer à vivre, se challenger et voir des gens, même par écrans interposés. Surtout, il ne faut pas vivre cette période, aussi pénible soit-elle, comme un néant.
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