Alors qu’Emmanuel Macron déclare y être défavorable, le député LREM de la première circonscription de Haute-Garonne, Pierre Cabaré, plaide pour une légalisation du cannabis. Interview.
JT : Pourquoi vous prononcez-vous pour la légalisation du cannabis récréatif en France ?
Pierre Cabaré : En premier lieu pour contrôler la qualité des produits vendus. Car aujourd’hui, les consommateurs achètent de la merde ! Des drogues infectes, bourrées de résines de synthèse et dotées d’un épouvantable pouvoir addictif. Elles détruisent les neurones et l’intellect. Avec la légalisation, le cannabis serait certifié et vendu par l’État, dans des bureaux de tabac. Son usage serait soumis aux mêmes lois qui régissent la consommation d’alcool. Comme c’est le cas dans plusieurs pays européens.
Le cannabis serait donc lourdement taxé ?
En effet, la légalisation permettrait de dégager 3 milliards d’euros de taxe par an, selon des calculs de l’Assemblée nationale. C’est une somme gigantesque ! Il faudrait l’affecter à la prévention, à l’éducation, notamment des plus jeunes, et à l’action sociale, en étroite collaboration avec les associations sur le terrain.
Qu’est-ce qui vous a amené à prendre cette position, qui tranche avec celle d’Emmanuel Macron, plutôt partisan d’un tour de vis répressif ?
Pendant longtemps je me suis prononcé contre la dépénalisation. Et puis, lorsque j’ai débuté mon mandat de député, j’ai organisé des réunions avec des habitants de ma circonscription, très sensibilisés aux problèmes de drogues. Qu’il s’agisse de responsables associatifs ou de particuliers dont la vie est empoisonnée par les dealers du bas de leur immeuble… Tous sont d’accord sur le fait qu’on va dans le mur et qu’il faut agir maintenant.
Emmanuel Macron se félicite pourtant du succès d’un grand nombre d’opérations « coups de poing », ces dernières semaines, en France…
Oui, mais lorsque un point de deal disparaît, un autre réapparait à côté. Je pourrais vous en citer une dizaine dans ma circonscription. Il faut que cesse l’hypocrisie : la justice, qui est débordée, n’attrape ni les gros, ni les petits délinquants en la matière. Dans les faits, les trafics s’intensifient et se multiplient. Les confinements ont même donné lieu à l’émergence de nouvelles pratiques, comme la livraison à domicile !
Et quid des « effets de glissements vers des drogues plus dures » qu’évoque le président de la République ?
Si 100% des héroïnomanes ont commencé par la fumette, on peut tout aussi dire que 100% des fumeurs de cannabis ont commencé par la cigarette. Et je ne crois pas que la légalisation ferait augmenter la consommation globale.
Que pensez-vous du grand débat que le chef de l’État appelle de ses vœux sur le sujet ?
J’aime les débats lorsqu’ils ne s’éternisent pas. Il ne faudrait pas que cela se transforme en une nouvelle consultation citoyenne. Car beaucoup de personnes, depuis des années, se sont déjà penchées sur la question. Il faut faire vite et prendre une décision dans les mois qui viennent. J’ai prévu de porter les témoignages de mes administrés à l’hémicycle et encourage chaque député à le faire.
Comment expliquez-vous que la France ait toujours appliqué une politique répressive en la matière ?
Je vous le dis sans langue de bois : c’est pour ne pas fâcher un électorat, majoritairement âgé, qui ne souhaite pas que les choses changent. Moi, je crois qu’un homme politique doit prendre des risques et ne pas toujours faire plaisir à ceux qui votent pour lui. Je crois aussi qu’en expliquant les intérêts de la légalisation, on parviendra à convaincre. Même les plus récalcitrants.
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