AMUSE-BOUCHE. Afin de répondre aux problématiques environnementales et nutritionnelles d’aujourd’hui, des Toulousains inventent la nourriture de demain. Cette semaine, le JT regarde ce qu’ils nous mijotent et se penche sur ces assiettes du futur.
« Cette année, tout le monde a eu la fève ». Debout dans l’entrée de sa société Micronutris, Cédric Auriol s’amuse de ce message envoyé par un client amateur de frangipane aux insectes. « On peut aussi en manger dans de la farce à raviole, sous forme de steaks, s’en servir de substitut aux lardons sur une pizza, ou même en déguster sucré dans des brownies » énumère le fondateur et gérant. Dans cette ferme futuriste de 500 m² située à Saint-Orens-de-Gameville, l’entrepreneur a créé en 2011 la première société française à élever des insectes à usage comestible. Aujourd’hui, il commercialise une quinzaine de produits comme des barres salées, des biscuits apéritifs, des carrées de chocolat avec la touche du chef : des ténébrions (ou vers de farine) et des grillons servis entiers ou en poudre.
« Au départ, j’étais perçu comme un illuminé mais aujourd’hui nous sommes vus comme une entreprise à projet sociétal », explique-t-il. Il faut dire que si 2 milliards d’individus dans le monde consomment des insectes régulièrement, le pari de faire manger grillons et vers de farine aux pays de la blanquette de veau est risqué.
Seuls 250 000 Français auraient sauté le pas et mangé des insectes en 2015 selon la FFPIDI, la fédération qui cherche à promouvoir l’entomophagie. On ne peut donc pas encore parler d’une habitude répandue. Mais dans sa quête, Micronutris a trouvé un allié de taille : l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Elle préconise la consommation d’insectes pour leurs qualités nutritionnelles et leur faible impact sur l’environnement. « Manger des ténébrions et des grillons est une alternative aux protéines animales et apporte également des vitamines B, des oméga-3 et des fibres », explique Cédric Auriol.
15 tonnes d’insectes comestibles sortent d’ici chaque année. «Nous empilons des bacs d’élevage les uns sur les autres, ce qui permet de réduire l’occupation du sol» ajoute le fondateur. Une production qui nécessiterait par ailleurs 50 fois moins d’eau, 7 fois moins de végétaux et rejette 100 fois moins de gaz à effet de serre que pour produire de la viande de bœuf. «Il s’agit de manger des insectes aujourd’hui pour mieux préserver nos ressources et continuer à manger de bons steaks demain», conclut Cédric Auriol.
Pour ceux que l’idée de manger des insectes effraie, une autre source de protéine est étudiée par deux start-ups toulousaines: les microalgues. Afin de rendre accessible leurs bienfaits nutritionnels et gustatifs, la start-up Alg and you a inventé la phytotière, une sorte de «yaourtière du plancton» pour particulier. Cet appareil permet de cultiver de la spiruline fraîche dans de bonnes conditions sanitaires et devrait être sur le marché début 2018. Kyanos, une autre jeune pousse sur le marché, veut elle, vendre aux fabricants alimentaires des algues AFA, riche en protéines, vitamine C, vitamine B12 et antidépresseurs naturels. On ne trouve ces végétaux qu’aux États-Unis. L’équipe d’ingénieurs essaye donc de reproduire leur écosystème en Haute-Garonne. Et la jeune entreprise voit loin : elle voudrait en produire 200 tonnes par an.
Autre enjeu pour nos assiettes de demain : remplacer l’huile de palme. Dans les pâtes à tartiner, les biscuits et produits de l’industrie agroalimentaire… En 2012, elle représentait 28% de la consommation mondiale d’huiles et de graisses. Or elle contient 45% d’acides gras saturés, ce qui peut provoquer des problèmes cardio-vasculaires. Et pour développer son exploitation, des millions d’hectares de forêts ont été détruits.
«Il fallait trouver une alternative à ce produit pour nos biscuits, au-delà de notre investissement dans la filière de palme durable » raconte Alvina Delgenès, cheffe de projet recherche et développement de la biscuiterie Poult. Grâce à un financement de la région Occitanie, Nataïs, société spécialisée en production de maïs à pop-corn, la biscuiterie et le CNRS ont donc uni leur force pour trouver un substitut. Ce projet innovant « soutenant également les matières premières et les emplois locaux » a pris fin en novembre dernier avec des résultats prometteurs :les chercheurs ont réussi à élaborer une recette à base d’huile de tournesol locale. Plus couteuse, mais moins nocive pour la santé et pour l’environnement. Une demande d’agrément est en cours de traitement à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Les deux sociétés viseraient une commercialisation pour 2018.
Alors à quand des pop-corn au “substipalm”, des pizzas aux insectes et des granolas à la spiruline ? Le menu du futur pourrait bientôt sortir du four.
Bon appétit bien sûr !
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