Robot. « Gardez cet argent que je ne saurais toucher. » C’est ce que semble dire l’expression du visage de nombreux boulangers lorsqu’une poignée de pièces leur est tendue. Ces dernières années, les automates de paiement deviennent monnaie courante,. Pourquoi un tel engouement ? – Gabriel Haurillon
La nuit est tombée place du Busca, la file des travailleurs fatigués déborde jusque sur le trottoir de la boulangerie. Anthony plisse les yeux et devine à travers la buée qui recouvre les vitres qu’une place s’est libérée dans la boutique. Le stress commence à monter, son tour arrive et il ne parvient pas à apercevoir les produits entre les têtes des clients. « Une baguette tradition, bien cuite s’il vous plaît », finit-il par lâcher dans un réflexe salvateur. Là, au moment d’attraper son pain, il tend brusquement sa main libre. La boulangère se fige et lève les bras en l’air : « Non non, dans la machine. Juste ici. »
L’arme redoutable que le jeune homme a brandie vers la boulangère est un billet de 5 euros. « Je suis toujours surpris quand on refuse mon argent, mais ça m’amuse d’utiliser la machine », explique ce dernier dans un sourire. Sylvie sort de la boulangerie après lui, la mine boudeuse et les mains pleines de pâtisseries : « Ça m’exaspère cet automate ! Je le trouve désagréable, ça rompt les rapports humains. » Dans le viseur de cette professeure à la retraite, la CI10. Cette monnayeuse automatique de 60 kilos a le monopole des échanges de monnaie “Au croissant au beurre”. « Ça ne fait pas perdre le contact, au contraire ! Quand la machine s’occupe de la monnaie ça nous laisse plus de temps pour parler au client », explique Anne-Laure Saint Criq. La même machine équipe depuis quatre ans sa boulangerie, dans le quartier Patte d’oie. Léo Jeanneton dirige la société JDC Midi-Pyrénées, qui commercialise le dispositif : « Cette machine présente trois avantages majeurs. D’abord l’hygiène, puisqu’il n’y a plus de contact entre les produits alimentaires et le numéraire. Ensuite, ça évite les erreurs de caisse et les malversations. Enfin, c’est un gain de temps certain pour le comptage du soir. »
L’arrivée de la CI10 a bien simplifié la tâche d’Anne-Laure Saint-Criq : « Je fais les comptes en 15 secondes. Avant je perdais 15 à 20 minutes à vérifier et combler les écarts de caisse. » Un luxe qui n’accroît pourtant pas la rentabilité de la boulangerie. La machine coûte 18 000 euros à l’achat, ou de 500 à 700 euros par mois en location. « C’est un modèle haut de gamme, une vraie chambre forte. En cas de braquage, l’employé ne peut pas l’ouvrir, seul le gérant dispose du code », argue Léo Jeanneton. JDC Midi-Pyrénées a vendu ou loué une vingtaine de monnayeuse en 2017. Toutefois, selon Anne-Laure Saint-Criq, l’humain a encore de beaux jours devant lui : « Aux heures de grosse affluence, je repasse à la caisse enregistreuse. Le temps que la machine rende la monnaie à un client, j’en ai déjà encaissé cinq. »
La rédaction
Le Journal toulousain est un média de solutions hebdomadaire régional, édité par la Scop News Medias 3.1 qui, à travers un dossier, développe les actualités et initiatives dans la région toulousaine. Il est le premier hebdomadaire à s'être lancé dans le journalisme de solutions en mars 2017.
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