Du haut de ses 26 ans, Andréas Touzé est le jeune homme, originaire de Rodez, qui se cache derrière l’artiste dénommé Lombre. Après le divorce de ses parents, il perd ses repères et s’en crée de nouveaux à travers l’écriture de chansons. Des années plus tard, il se dévoile sous la lumière des projecteurs.
« Moi, j’ai grandi comme j’ai pu, entre illusions et réalité, à chercher une lumière à travers mon ombre. » Ces mots sont les confessions d’Andréas Touzé, plus connu sous le nom de “Lombre”, artiste originaire de Rodez. À 26 ans, il part à la conquête du public français et se livre sur scène, usant de son style musical de prédilection, le spoken-word. Il propose ainsi un mélange de rap, de slam et de chanson française. Un moyen pour lui d’extérioriser et de partager ses pensées.
Il sort d’abord un premier EP baptisé “Eau Trouble” en 2017, puis un second, “La Lumière du Noir”, en 2020. Et après trois ans de travail acharné, le chanteur présente son premier album “Ailleurs”. Disponibles depuis le 12 mai dernier, les 12 titres qui composent l’œuvre musicale s’inspirent d’artistes tels qu’Orelsan, Grand Corps Malade ou FAUVE ≠.
Le personnage de “Lombre” est né à Rodez, il y a 7 ans. Un nom de scène qu’Andréas Touzé n’a pas choisi au hasard : « J’aimais cette idée de l’ombre qui suit un Homme en permanence, sans jamais le trahir. » D’ailleurs, Lombre n’est pas qu’un simple pseudo, mais un projet artistique, fruit d’un travail d’introspection mené par l’Aveyronnais : « Il ne faut pas avoir peur de parler de ce que l’on ressent, même si ce n’est pas un exercice facile. Partager ses émotions sur scène permet de faire tomber les barrières et de s’apercevoir que l’on n’est pas seul », confie le chanteur. Alcoolisme, changement climatique, divorce… Les thèmes abordés par l’artiste sont divers et variés. Des sujets anxiogènes dont le chanteur s’empare pour exprimer ses sentiments, avec toujours un même objectif : aller chercher la lumière et l’espoir.
Un projet artistique qu’Andréas Touzé a bien sûr présenté à sa famille : « Mes parents ont bien réagi à ma volonté de faire de la musique. Mon père étant metteur en scène, et donc dans le milieu artistique, ça a dû aider… Je pense que ce qui les rend vraiment heureux, c’est de voir que je suis épanoui ». Mais, malgré cette bienveillance parentale, la cellule familiale n’a pas toujours été sécurisante pour le jeune homme. En effet, il reste marqué par la séparation de ses parents, thème prépondérant dans ses compositions : « Ma petite sœur et moi ne nous y attendions pas. Nous vivions dans une famille idéale, tout allait bien à la maison. Puis, du jour au lendemain, on nous annonce la séparation. Ça a vraiment été un déchirement pour nous », raconte le chanteur. À ce moment-là, il avait 12 ans et sa sœur cinq ans de moins.
Comme beaucoup d’enfants, victimes collatérales du divorce de leurs parents, le Rhuténois a perdu ses repères : « J’étais très famille. Ma maison était une bulle de protection. » Déboussolé, le jeune adolescent a ressenti le besoin de se livrer. Pour se faire, il se lance dans l’écriture. Il se confie alors dans un tout premier morceau qu’il nomme “Une sale année”. Face à l’engouement de ses camarades de collège, l’adolescent trouve sa motivation : « C’est de là que tout est parti ! » Finalement, dans son malheur, il a trouvé sa vocation et une échappatoire : « J’ai l’impression de vivre l’adage, hyper cliché, “ce qui ne tue pas, rend plus fort” », explique-t-il, conscient aujourd’hui que cette période houleuse de sa vie est le déclencheur de sa future carrière.
Avec le temps, Andréas Touzé fait le deuil de ce qui était pour lui, la famille parfaite. Si ses relations avec sa mère semblent apaisées et sereines, la dépression et le penchant pour la bouteille de son père l’inquiètent. Le chanteur en parle avec beaucoup de tendresse malgré les moments douloureux qu’ils ont pu partager : « Je n’ai pas encore tout couché sur le papier. Je ne suis pas encore prêt. J’ai tellement intériorisé mes sentiments à ce sujet qu’ils ont encore du mal à sortir ».
Une posture qu’il a notamment adoptée pour préserver sa sœur du marasme familial. L’artiste a ainsi joué le rôle de bouclier fraternel : « Je l’ai protégée le plus possible, et moi, j’ai subi la situation de manière plus frontale ! » Alors, ils n’ont aujourd’hui pas la même perception ni les mêmes souvenirs de cette période. Lorsqu’il lui fait écouter son album, elle a encore du mal à entendre certains détails de l’histoire : « C’est le cas du titre “Tout le temps” dans lequel j’évoque le passé de la famille. J’y parle de mes rêves de gosse, mais aussi de ce qui s’est passé à la maison. Certains passages restent difficilement supportables. Mais ça l’émeut plus que ça ne la rend triste ».
Des émotions, Lombre en a à revendre. Tout aussi contradictoires que complémentaires. Des questionnements sans réponses qu’il retourne dans sa tête, et qu’il tente d’évacuer par la musique : « Pour moi, l’écriture permet d’aller chercher au plus profond de moi-même et de me sentir mieux. Écrire a clairement été une sorte de thérapie pour moi et ça l’est encore. » Pourtant, coucher ses maux sur le papier n’est pas toujours un exercice qu’il apprécie : « J’écris peu et surtout quand j’en ai besoin. Je m’oblige à le faire, sachant que je vais potentiellement toucher des points sensibles et me remémorer des instants douloureux. Ce n’est pas agréable. À l’écriture, je préfère le moment où je dois défendre le morceau sur scène. »
Sa thérapie, il la partage donc avec son public, d’ailleurs très hétérogène : « Une dame de 75 ans est tombée dans mes bras en me disant “Je sors d’un cancer et je viens de prendre une leçon de vie par un jeune de 26 ans”. Ça me touche à chaque fois. C’est incroyable ce retour humain et c’est ce que je cherche ». Des réactions spontanées provoquées par la générosité et la sincérité dont il fait preuve sur scène. Et ce, à chacun de ses concerts. Il a notamment assuré les premières parties de chanteurs tels que Soprano, Orelsan ou encore BigFlo et Oli. Lombre sera également l’artiste à l’honneur à la Chapelle Saint Joseph de Rodez, le samedi 9 décembre 2023.
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