Certains d’entre vous l’auront sans doute remarqué, depuis le lundi 6 novembre, aucun bateau ne circule plus sur les eaux du canal du Midi. Ce dernier est effectivement fermé à la navigation, comme chaque année. Le Journal Toulousain vous explique pour quelles raisons le canal du Midi est ainsi mis au repos.
Depuis près d’un mois, ses eaux sont on ne peut plus calmes. En effet, à part quelques canards et feuilles mortes, plus rien ne navigue sur le canal du Midi. Certains coureurs du dimanche qui fréquentent ses berges s’étonnent d’ailleurs de ne plus voir aucun bateau circuler. C’est le cas de Martin. « Je ne peux plus faire la course avec les péniches », se désole-t-il. La petite Pauline, cinq ans, est aussi attristée de ne plus pouvoir saluer les bateaux qui passent. Mais alors pourquoi le canal du Midi, qui concentre à lui seul 30% du trafic touristique national fluvial, est-il déserté ? Pour le savoir, le Journal Toulousain est allé interroger Voies navigables de France (VNF), son gestionnaire. Et la réponse est toute simple : le canal du Midi est en période de chômage depuis le lundi 6 novembre. Il est ainsi interdit à la navigation sur toute sa longueur. « Si quelqu’un veut naviguer lors de cette période, il le fait à ses risques et périls », prévient Jean Niquet, chef du service infrastructure, eau, environnement et exploitation à VNF.
Il explique : « En effet, sur des biefs, soit une partie de canal entre deux écluses, les niveaux d’eau ne sont pas forcément maintenus. On peut avoir des baisses de 10, 15 ou 20 centimètres. Les bateaux n’ont donc pas assez d’eau pour naviguer ». Outre ces baisses du niveau de l’eau liées notamment aux infiltrations, des vidanges sont réalisées à certains endroits lors du chômage. « Nous allons vidanger à peu près 25% du volume total, soit 2,3 millions de m3 d’eau », précise Jean Niquet. La période de chômage du canal aurait normalement dû débuter le mardi 2 janvier 2024, mais la sécheresse est passée par là. « Il n’a pas suffisamment plu pour que nos réserves permettent un niveau suffisant à la navigation sur le canal. Nous maintenons toutefois un niveau d’alimentation suffisant pour continuer à approvisionner le milieu naturel et pour que nos ouvrages restent stables. Si nous laissons le canal du Midi sans aucune alimentation, les berges vont en effet se détériorer rapidement », révèle-t-il.
Si le canal du Midi est au repos, ce n’est pas le cas des personnels de VNF. « C’est une période de l’année active pour les agents de Voies navigables de France », souligne Jean Niquet. En effet, durant ce chômage, d’une durée de huit semaines en temps normal, sont réalisés d’importants travaux sur le canal, qui a un peu plus de 350 ans. « Tout au long de l’année, nous fauchons les berges et nettoyons certains équipements. Mais il faut faire de l’entretien un peu plus poussé afin de maintenir toutes les fonctionnalités de notre ouvrage multiséculaire. Cette période de chômage nous permet donc d’éviter de grosses avaries et un arrêt préjudiciable pendant la période d’exploitation. Ce qui aurait des conséquences sur les activités économiques ou sur les agriculteurs, car la moitié de l’eau qui circule l’été dans le canal est utilisée par le monde agricole », détaille le chef du service infrastructure, eau, environnement et exploitation. Parmi ces travaux : étanchéité de portes, restauration du patrimoine ou encore modernisation de l’infrastructure.
« Pendant cette période de chômage, nous allons automatiser complètement l’écluse du sanglier à Ayguesvives et nous allons poursuivre les travaux d’automatisation des trois écluses du Béarnais, des Minimes et de Bayard à Toulouse », annonce Jean Niquet. VNF va également en profiter pour poursuivre le renforcement des berges dans le cadre du projet de restauration de la voûte arborée du canal du Midi. Cette dernière est effectivement victime du chancre coloré, un champignon microscopique qui tue les platanes. Environ 32 000 ont dû être abattus en une dizaine d’années. « Les platanes ont d’énormes racines qui tiennent les berges. Abattre ces arbres vont les rendre instables. Nous devons donc les refaire », révèle-t-il. Un travail considérable. « Cette année, nous allons ainsi refaire 7 kilomètres de berges », indique-t-il. Des tiers profitent aussi de cette période de chômage. « Dans le cadre du creusement d’une galerie pour le métro qui passe sous le canal, Tisséo a implanté une plateforme de travail dans le canal », informe Jean Niquet.
Jusqu’à il y a peu, le chômage du canal du Midi avait lieu en novembre et décembre et celui du canal latéral à la Garonne en janvier et février. « Les dates ont été inversées pour la première fois en janvier 2023. Cela avait été décidé en large concertation avec nos usagers navigants. Ce changement n’a posé aucun problème », assure Jean Niquet. VNF avait notamment pris cette décision pour des raisons d’ordre météorologique. « Le temps est très défavorable en janvier et février et un peu moins en novembre et décembre sur le canal latéral à la Garonne », note-t-il. Les périodes de repos des deux canaux devraient désormais être maintenues à ces dates. « C’est le moment de l’année où nous avons le moindre impact sur tous les usages de l’eau. En janvier et février, extrêmement peu de personnes naviguent et il n’y a pas besoin d’irrigation pour les usages agricoles. Si nous le faisions en septembre et octobre ou en août et septembre, cela aurait un impact considérable », estime le chef du service infrastructure, eau, environnement et exploitation.
À la fin du chômage, prévu le samedi 24 février, les bateaux pourront de nouveau investir le canal du Midi. Évidemment, VNF espère que la sécheresse qui avait eu un certain impact sur l’ouvrage en 2023 sera moins forte cette année. « Au mois de février, nous avions retardé le remplissage du canal du Midi après le chômage puisque nous voulions économiser de l’eau. La pluviométrie nous l’a permis. Nous avons ainsi pu économiser à peu près 500 000 m3 d’eau, mais nous avions quand même une réserve basse. Il a plu en mai et juin ce qui a permis de recharger en partie les réserves. Nous avons ainsi réussi à tenir jusqu’à début novembre, ce qui n’était absolument pas gagné en début de saison », note Jean Niquet. Il poursuit : « Nous avons un automne relativement pluvieux, mais malheureusement plutôt sur le canal latéral à la Garonne. Sur notre système alimentaire montagne Noire, il ne pleut pas tant que ça et encore moins dans l’Aude. Ce qui ne permet pas, pour le moment, une bonne recharge des réserves ».
Commentaires