Intervenant les premiers en cas d’incendies ou de feux de forêt, les forestiers-sapeurs sont plus que jamais sollicités avec le réchauffement climatique. Guillaume Rigal, forestier-sapeur depuis 13 ans dans l’Hérault, nous fait part de ses impressions, de sa passion et de ses craintes sur son métier.
C’est une profession souvent méconnue, pourtant les forestiers-sapeurs sont ceux qui arrivent en premier sur les lieux des incendies dans le pourtour méditerranéen. Guillaume Rigal a 35 ans et il est forestier-sapeur depuis novembre 2008. Il intervient dans la commune de Clermont l’Hérault. Incendies, feux de forêts, inondations… Depuis quelques années, confrontés à des épisodes météorologiques de plus en plus intenses et dévastateurs, Guillaume Rigal et ses collègues sont en première ligne des conséquences directes du réchauffement climatique. Plus que jamais au cœur de l’action, Guillaume Rigal nous fait part de ses impressions, de sa passion et de ses craintes sur son métier.
Le Journal Toulousain : Comment êtes-vous devenu forestier-sapeur?
A la fin de la classe de troisième, je suis parti dans une maison forestière et j’ai passé mon bac professionnel. Après cela, j’ai pu intégrer le corps des forestier sapeurs de l’Hérault. Je suis aussi sapeur-pompier volontaire depuis 19 ans.
A quoi ressemblent les journées d’un forestier-sapeur?
De la mi-septembre jusqu’à fin juin, nous faisons surtout un travail de débroussaillement. Nous élaguons les bords de route et les chemins qui mènent à des massifs forestiers. Cela permet de limiter la propagation en cas de départ de feux. Nous faisons aussi tout ce qui est entretien des pistes dites de Défense des forêts contre les incendies (DFCI). Ensuite, de début juillet à mi-septembre, nous sommes primo-intervenants pour la lutte contre les feux de forêts. Nous sommes équipés de pick-up et de camions pouvant transporter 600 à 1200 litres d’eau. Les patrouilles sont réparties en 53 îlots qui couvrent les différents massifs forestiers du département. Nous patrouillons à partir de 11h. Grâce à cette organisation, nous pouvons intervenir en moins de 10 minutes. Nous agissons sur 92% des départs de feux.
« Ce qui fait notre force, c’est que nous connaissons le terrain par cœur. »
Votre travail consiste aussi à faciliter l’intervention des pompiers?
Ce qui fait notre force, c’est que nous connaissons le terrain par cœur. Nous le débroussaillons tout l’hiver donc nous connaissons toutes les pistes et de tous les petits recoins, cela permet d’aller plus vite. A l’inverse, les pompiers ne connaissent pas forcément tous les chemins, nous essayons donc de les guider. Comme nous arrivons les premiers sur les lieux, on leur envoie un compte-rendu afin qu’ils puissent prévoir le matériel adapté. Les moyens déployés ne seront pas les mêmes si c’est juste un feu de fossé au bord de la route ou si c’est un brasier en pleine pinède. Nos véhicules sont géolocalisés, grâce à cela les pompiers savent exactement où nous nous trouvons et le type de végétation qu’il y a aux alentours. Tout cela leur permet d’appréhender le feu dans de meilleures conditions.
Comment appréhendez-vous les risques du métier ?
Bien-sûr, la peur est toujours présente. Nous risquons notre vie et celles de nos collègues tous les jours. Comme nous intervenons en premier, il nous arrive parfois de tomber sur des feux qui se propagent vers les habitations alors que nous n’avons pas forcément le matériel approprié. Nous avons peur pour nous et nos collègues, mais aussi pour la population impliquée. Avec les incendies, il y a plein de paramètres que l’on ne maîtrise pas, un retournement de vent, des pièges à feux, des éléments inflammables… Pour nos familles aussi c’est compliqué. Il y a des soirs où nos femmes sont inquiètes de ne pas nous voir rentrer à la maison.
Est-ce que vous avez perçu des changements ces dernières années avec le réchauffement climatique ?
Lorsque les feux de forêt démarrent, ils ont tendance à prendre de l’ampleur plus rapidement. Auparavant, les vignes servaient de coupures stratégiques. Lorsqu’un feu se déclarait, on savait que les premières rangées allaient flamber mais que cela s’arrêterait assez vite. Mais aujourd’hui, à cause des champs de vignes abandonnés et qui ont séché, le feu se propage rapidement de massif en massif. Cela approche aussi beaucoup plus des maisons et les villages sont plus vite menacés.
« Tous les poumons de la Terre sont en train de partir en fumée. »
Comment réagissez-vous face aux catastrophes naturelles dans les autres pays ?
On s’aperçoit que le climat est totalement déréglé. Il fait cinquante degrés au Canada, la Sibérie britannique brûle… Les États-Unis, la Croatie, la Turquie, la Grèce, l’Italie… Tous les poumons de la Terre sont en train de partir en fumée. Avec toutes ces forêts en moins, il va devenir compliqué de respirer. Mais il n’y a pas que les incendies qui font des dégâts. Il y a aussi énormément d’inondations. Le dérèglement climatique fait peur.
Le métier de forestier-sapeur n’est pas connu partout en France…
Pour le moment, nous sommes très peu de départements à avoir des forestier-sapeurs. Ils existent dans sept départements du pourtour méditerranéen. A savoir la Corse, dans les Alpes maritimes, le Var, les Bouches du Rhône, l’Ardèche et l’Hérault. Je ne sais pas si le métier va se développer ailleurs mais, ce qui est sûr, c’est que nous aurons de plus en plus de travail. Il faudrait qu’il y ait un service dans chaque département.
Un conseil pour les futurs forestiers-sapeurs ?
C’est un métier de passion. Lorsque l’on est appelé sur un départ de feu, il y a la peur, bien-sûr, mais nous sommes surtout guidés par l’adrénaline et l’envie de sauver notre nature. Il faut garder cela à l’esprit et être conscient que le métier ne se résume pas aux interventions sur des feux en été. Il y a aussi tout le travail de débroussaillement l’hiver. C’est un tout. Il faut être solide. On est tous accros. Il y en a même, parfois, qui disent qu’on est des fous !
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