Actuellement en phase préparatoire, une expérimentation de recharge de nappe phréatique est en cours en Haute-Garonne. L’eau prélevée en hiver dans le canal Saint-Martory, au sud de Toulouse, s’infiltrerait sous-terre afin de lutter contre la sécheresse de la Garonne en été.
La Haute-Garonne n’a pas attendu le plan Eau pour agir. Si Emmanuel Macron a sonné la mobilisation contre la sécheresse le 30 mars dernier, les niveaux inquiétants de la Garonne dès l‘été dernier ont incité à lancer une expérimentation inédite, sur une zone de 100 km² entre Cazères et le Fousseret, au sud du département. Le projet consiste à dévier l’excédent d’eau du canal Saint-Martory en hiver via des fossés et canaux secondaires déjà existants. Quelques centaines de mètres plus loin, l’eau s’infiltrera alors dans la terre perméable pour rejoindre la nappe phréatique en constante alimentation des rivières.
Ce surplus hydraulique sous-terrain, dit bulle de recharge, permettrait alors de conserver un débit de la Garonne suffisant. L’objectif étant de continuer d’alimenter environ plus d’un million de personnes, conserver son écosystème et répondre aux usages industriels et agricoles du bassin Adour-Garonne lorsque les niveaux du fleuve sont les plus bas. Cette eau rejetée en milieu naturel reste en effet un bien commun, principale différence avec les projets controversés des méga-bassines. Cependant, de nombreux paramètres restent encore à déterminer d’ici à 2025, date de fin de la phase expérimentale.
Ce projet nommé n’garonne coûte 1,8 millions d’euros et est porté par la Région Occitanie, le Département de la Haute-Garonne, l’Agence de l’eau Adour-Garonne, Réseau 31, gestionnaire du canal Saint-Martory, et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGN). Débutée en 2022, l’initiative se trouve encore en phase préparatoire même si l’eau a symboliquement commencé à couler ce mardi 18 avril. Dans un premier temps, la sélection du secteur propice a été faite de manière minutieuse. « Il fallait trouver le terrain sur lequel la terre était perméable et où les nappes n’étaient pas trop proches de la surface car la profondeur est nécessaire pour absorber de plus grandes quantités d’eau », explique la directrice régionale du BRGM, Anne-Valérie Hau-Barras. De plus, la présence de canaux secondaires, parfois réhabilités pour l’occasion, permet d’améliorer les conditions de transport de l’eau.
Une liste de calculs préalables et d’hypothèses restent néanmoins encore à confirmer. « On essaye de définir le moment auquel on versera l’eau et à quel endroit » explique Marine Picart, cheffe de projet de Réseau 31. Les premières réponses seront apportées à l’hiver 2023 – 2024, lorsque la phase expérimentale débutera. L’eau traversera la terre perméable et s’infiltrera dans la nappe phréatique où elle circulera de façon très lente, « de l’ordre d’un mètre par mois », analyse Anne-Valérie Hau-Barras, jusqu’à arriver dans la Garonne lors de l’été 2024. Un suivi scientifique pour déterminer la qualité de cette eau sera alors effectué par le BRGM.
Des analyses sont notamment effectuées en amont de l’infiltration afin de vérifier la compatibilité de l’eau présente en surface avec celle sous-terre pour éviter de dégrader la qualité de la nappe explique le bureau géologique national. L’ambition étant d’établir si cette méthode est « généralisable et reproductible sur d’autres territoires » explique le BRGN. D’autant plus que cet établissement observe dans son dernier bulletin de situation hydrogéologique du mois d’avril que le niveau des nappes est « modérément bas » sur la zone. Une situation préoccupante puisqu’à la même période en 2022, les relevés indiquaient un niveau très élevé suite aux crues du mois de janvier.
Si le bassin Adour-Garonne dans lequel sera expérimenté ce projet est aujourd’hui déficitaire de 180 à 200 millions de mètres cube actuellement, « il pourrait manquer 1 milliard de mètres cubes en 2050 », s’inquiète Jean-Louis Cazaubon, vice président du conseil régional. L’expérimentation de ce projet de restockage de la nappe phréatique viendrait alors compléter un lot de mesures déjà mises en place. De son côté, Sébastien Vincini, président du Département de la Haute-Garonne, se réjouit de cette expérimentation dans un communiqué : « Une première pour le soutien d’étiage d’un grand fleuve et qui permettrait de pouvoir stocker de 5 à 10 millions de mètres cube d’eau dans la nappe. » Les économies d’eau, le rehaussement des barrages et la réutilisation des eaux usées restent à ce jour les solutions palliatives à l’assèchement du fleuve.
Esteban Xivecas
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