Le Montpelliérain Serge Zaka, docteur en agro-climatologie et chasseur d’orages, s’est donné pour objectif « d’adapter l’agriculture au changement climatique en France d’ici 2050 ». Une mission à laquelle ce passionné de météorologie se voue tout entier.
Hausse des températures, sécheresse précoce, records de précipitations, gel tardif… Rien ne lui échappe. Le Montpelliérain Serge Zaka est né pour la météorologie. Et ce n’est pas nous qui le disons, mais le docteur en agro-climatologie lui-même. Connu pour son fameux chapeau de cow-boy qu’il ne quitte plus depuis un stage dans des vignes au Canada, et surtout pour ses alertes sur les impacts du changement climatique sur l’agriculture, il est avant tout un passionné de météorologie. « Je regarde le ciel depuis que je suis petit », témoigne Serge Zaka, dont les parents se sont réfugiés en France au début des années 1990 pour fuir la guerre au Liban. Dès l’âge de neuf ans, il se met à noter le temps toutes les 30 minutes, de jour comme de nuit. Il passe des nuits blanches à effectuer ce travail de fourmi tout en rêvant d’une chose : sortir de chez lui pour aller chasser les orages. « Je trouvais ça cool. J’ai dit à mes parents que je voulais devenir chasseur d’orages. Mais ils ne me prenaient pas au sérieux, comme lorsqu’un enfant dit qu’il veut être astronaute plus tard », se souvient-il. Ses parents ont d’ailleurs longtemps refusé de le laisser courir après les orages.
« Il a fallu que j’insiste jusqu’à mes 15 ans pour qu’ils me laissent sortir. Maintenant que j’ai des enfants, je comprends mieux pourquoi ils refusaient », rit le père de famille. L’autorisation de ses parents obtenue, Serge Zaka se lance à la chasse aux orages, accompagné de membres d’Infoclimat, l’association de passionnés de météorologie à laquelle il a adhéré à l’âge de 13 ans et dont il est maintenant le vice-président. Et c’est “le coup de foudre” pour le futur docteur en agro-climatologie. Il prend immédiatement goût à « l’aventure, l’adrénaline, et au côté artistique » de la traque aux éclairs. Premier rêve accompli pour Serge Zaka qui obtiendra le prix du public de plus belle photo météo du monde en 2021 grâce à un cliché d’orage pris à Cannes. « Quand on exerce sa passion depuis 20 ans, recevoir un tel prix représente un certain aboutissement », sourit le Montpelliérain qui aimerait dire « à tous les enfants qu’ils doivent considérer que leurs rêves sont réalisables et qu’ils ne doivent pas se laisser influencer par les autres, y compris leurs parents ». Les siens, en revanche, « ne lui ont jamais dit ce qu’il devait faire dans la vie ». « Ils m’ont laissé libre dans mes choix à partir du moment où j’ai commencé à chasser les orages », relève-t-il.
S’il semblait prédestiné à devenir météorologue, Serge Zaka ne s’engage pourtant pas dans cette voie. « J’ai forcément pensé à me lancer en météorologie. Mais j’ai trouvé que ce serait dommage. Nous avons pas mal de météorologues en France tandis que nous n’avons pas beaucoup de personnes disposant d’une double compétence : qui travaillent sur les forêts, sur la santé humaine, sur l’architecture ou l’aménagement du territoire en fonction du changement climatique. Je me suis donc dit que j’allais utiliser mes connaissances en météorologie pour les appliquer à l’agriculture », raconte celui qui a fait des études d’agronomie. Et le Montpelliérain a bien fait de persévérer. « Je fais partie des rares personnes qui ont la chance de se lever le matin et de ne pas avoir l’impression de travailler », confie l’agro-climatologue de 34 ans. Pourtant, il « bosse dur ». En effet, Serge Zaka court de conférences en conférences. Totalement dévoué au temps, il ne « s’en accorde pas à lui-même ». « Je ne prends pas assez soin de moi. On me le dit souvent. Là, je viens de faire un effort surhumain pour aller me couper les cheveux », avoue le chasseur d’orages. Et même quand son corps le freine, il ne s’arrête pas.
« J’ai dû passer un mois et demi allongé cet été pour des raisons de santé. Mais j’étais avec mon ordinateur et j’ai travaillé sur mes dossiers », indique-t-il. Serge Zaka, qui vient d’avoir son troisième enfant, sait toutefois lâcher la bride pour sa famille qui reste sa plus grande fierté. « J’ai pris un congé parental de dix jours, puis je suis reparti pour trois jours de conférences. J’en ai 17 à faire avant Noël et encore, j’ai un peu freiné pour la fin de l’année », assure-t-il. Quand le Montpelliérain a enfin du temps pour lui, il exerce sa passion. « Je ne me détends pas en regardant un film, en faisant une séance de massage ou en partant en vacances, mais lorsque je me pose sur une colline, que j’écoute les oiseaux et que je regarde un orage se former à l’horizon, avant de m’en approcher pour le prendre en photo. Je peux passer des heures à faire ça. C’est le seul moment où je suis en accord avec moi-même », estime-t-il. Serge Zaka qui a « peur de l’ennui » ne se pose donc jamais. Mais c’est ce qui fait son bonheur. « Je suis heureux en apprenant des choses aux autres, quand j’ai des retours intéressants sur les réseaux sociaux ou qu’après une conférence les gens me disent qu’ils ont des idées pour faire changer l’agriculture », sourit-il.
Si Serge Zaka travaille aussi dur, c’est avec un objectif : « Que l’agriculture de 2050 soit adaptée au changement climatique en France et que nous n’allions pas droit dans le mur en ne changeant rien ». Une mission qui donne un sens à sa vie. « En 2050, ce sera l’année de ma retraite. Je considère que je devrais avoir donné le meilleur de moi-même pour reconstruire l’agriculture en France », déclare-t-il. Et ce don de soi ne fait pas peur au chasseur d’orages. « Il faut se donner les moyens dans la vie pour accomplir ses objectifs. Je voulais être chasseur d’orages et agro-climatologue. Aujourd’hui, je le suis. J’ai réussi à atteindre mes ambitions. Pourquoi ne pas continuer à le faire et à devenir un acteur français de l’agriculture du futur ? » s’interroge-t-il. D’autant qu’il ne poursuit pas cette quête uniquement pour lui. « C’est un objectif collectif et national, je souhaite embarquer avec moi les agriculteurs, le ministère de l’Agriculture, les autres acteurs de l’agriculture et les consommateurs », indique le Montpelliérain.
Et pour cela, il peut notamment s’appuyer sur les réseaux sociaux. Sur X (anciennement Twitter), il compte effectivement un peu plus de 86 000 followers. Un nombre qui lui aurait semblé totalement inconcevable quelques années plus tôt. « Vous m’auriez dit ça il y a quatre ans, je vous aurais dit de me laisser tranquille dans ma campagne avec mes orages et mes enfants. Mais par la force des choses, j’ai appris à comprendre l’importance de ce mode de communication. Quand on veut parler du climat et changer l’agriculture, il faut toucher les masses », relève l’agroclimatologue, désormais suivi par « des journalistes, des politiques, des professeurs de SVT, des élèves et le grand public ». Mais attention, Serge Zaka n’a rien d’un influenceur. « Il s’agit d’un terme négatif pour moi. Je me considère comme un scientifique, qui a des propositions pour faire évoluer la société par rapport au changement climatique », estime l’agroclimatologue.
Comme toutes les personnes influentes sur les réseaux sociaux, Serge Zaka a son lot de “haters”. « Je me fais beaucoup insulter sur les réseaux sociaux. Quand on a un message à transmettre et que beaucoup de monde l’écoute, on a forcément des détracteurs. Mais pour moi, cela veut dire que j’ai réussi », juge celui qui se dit en croisade contre les climatosceptiques. « Quand dans la journée, j’ai envie de me défouler, je vais sur un compte de climatosceptique pour démonter ses arguments. Cela me détend », plaisante le Montpelliérain qui « fait partie de ceux qui combattent les climatosceptiques sur les réseaux sociaux ». « En tant que scientifique, je dois être un porte-parole de la science. Je ne dois pas seulement informer les gens, mais aussi leur montrer du doigt les faux discours scientifiques », appuie-t-il. Un travail qu’il fait également en dehors des réseaux sociaux. « J’apprends aux élèves de collèges et lycées à démêler le vrai du faux des réseaux sociaux à partir de tweets climatosceptiques », informe Serge Zaka.
Mais justement face au climatoscepticisme qui progresse et aux crises qui se succèdent en France, a-t-il encore espoir pour l’avenir ? « J’ai une part d’optimisme, car je vois que les agriculteurs veulent évoluer. J’observe une constante évolution de la profession. Le milieu est conscient des enjeux et du changement climatique. Et des efforts sont déjà faits. Par contre, je reste pessimiste par rapport aux politiques agricoles. Les enjeux climatiques ne sont pas prioritaires comparés aux enjeux économiques et productivistes. Nos dirigeants ne comprennent pas forcément les enjeux climatiques et pensent plus à leur électorat qu’à la réalité de 2050 qui leur paraît très loin », déplore Serge Zaka qui en tant qu’agroclimatologue rêve « que la France reste une puissance agricole » à cette échéance. De son côté, le chasseur d’orages rêve désormais d’aller « chasser la tornade aux Etats-Unis pendant un mois dans un pick-up ». « Je sais que cela peut paraître en contradiction avec ce que je prêche. Mais je le ferai une fois dans ma vie parce que c’est ma passion. Il ne faut pas non plus se priver de tout », conclut celui qui fait particulièrement attention à son empreinte carbone.
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