L’agglomération toulousaine compte près de 230 000 m² de bureaux vides. L’équivalent de 8 000 studios de 30 m². Que faire de ces bâtiments, souvent anciens, appartenant à des propriétaires publics ou privés ? De l’hébergement d’urgence à l’accueil d’acteurs associatifs ou entrepreneuriaux, à Toulouse, des solutions se dessinent. – Maylis Jean-Préau
© Franck AlixAu bord du périphérique, dans le quartier Bordelongue, des panneaux ‘’A louer’’ surplombent les immeubles. Après l’explosion d’AZF, les magasins du secteur ont été rasés. Une vaste opération immobilière a été lancée, associée à la création d’une zone franche urbaine pour attirer les entreprises. « Un échec ! Sur 300 000 m² de bureaux, 100 000 seulement sont occupés », selon un membre du comité de quartier Croix-de-Pierre. Bordelongue n’est qu’un exemple parmi d’autres. À Toulouse, comme dans beaucoup de métropoles, ce type de raté est fréquent. Un même scénario se répète : de grands programmes sortent de terre, sans répondre à un besoin particulier. Ces locaux sont achetés par des foncières de bureaux. Cotées en bourses, elles possèdent d’importants volumes de patrimoine qui ne trouvent pas preneur et sont considérés comme anciens au bout de cinq ans. Ainsi, aujourd’hui, les locaux de Bordelongue ne correspondent plus aux attentes des entreprises et le stock de bureaux anciens vides explose. Selon une enquête du site d’information ‘’Médiacités’’, il a quadruplé en dix ans à Toulouse, contribuant à faire monter les prix du foncier. Paradoxalement, ces bureaux vacants n’empêchent pas de nouveaux programmes de voir le jour : une tour de 12 000 m² de bureau est sortie de terre à Labège en 2017, 50 000 m² seront livrés d’ici 2020 à Borderouge, sans oublier les 300 000 m² de bureaux prévus dans le quartier de la gare.
Que peut faire Toulouse de ces 230 000 m² de bureaux inoccupés ? Alors que la pression immobilière est forte et que 3 000 personnes vivent à la rue, des voix s’élèvent. « Les bureaux peuvent être envisagés comme une solution d’hébergement d’urgence, même si ce n’est pas un modèle durable car ils ne sont pas adaptés », prévient François Piquemal, le porte-parole du Droit au logement 31. Ce qui n’a pas empêché l’association d’occuper, depuis janvier 2017, un pavillon vide de l’hôpital La Grave. Une action symbolique pour alerter les pouvoirs publics. « La préfecture et la mairie disent que c’est compliqué de réquisitionner des bureaux, mais c’est possible », plaide François Piquemal. Le nouveau projet de loi sur le logement prévoit d’ailleurs d’élargir les conditions des réquisitions de locaux vacants. Reste ensuite à rendre ces bureaux habitables. L’association toulousaine Unity Cube a réfléchi à des modules permettant d’installer à moindre coût sanitaires et cuisines, mais ils n’ont pas encore été expérimentés. L’agence toulousaine Intercalaire, réunissant architectes et urbanistes, souhaite, elle, se tourner vers une autre voie, inspirée du projet des Grands Voisins à Paris : « Nous incitons des propriétaires de locaux vides à autoriser la mise en place de projets d’occupations temporaires, mixant hébergement et bureaux pour des associations de quartier ou de jeunes entreprises », explique Antoine Chardonny, cofondateur d’Intercalaire. Si les grandes foncières sont « très compliquées à approcher », Intercalaire vise « les promoteurs locaux et les acteurs publics, plus sensibles aux valeurs de ce type de projet ».
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