Claude Portolan a marqué l’histoire du Stade Toulousain, lui, le premier d’une lignée de piliers adroits de leurs mains. A 63 ans, il se confie sans détours et sans retenue sur l’évolution du rugby, sa carrière et son statut de joueur parmi les plus capés du club rouge et noir.
Avec ses 358 matchs sous le maillot du Stade Toulousain, Claude Portolan, ancien pilier rouge et noir, a connu une carrière dont beaucoup rêveraient. Six fois champion de France (1985, 1986, 1989, 1994, 1995, 1996), vainqueur de la Coupe d’Europe (1996), le cadet de la fratrie Portolan (son frère Gérard a aussi porté les couleurs du Stade Toulousain) préfère relever les rencontres humaines que son palmarès. Il aura connu trois générations de joueurs dans le club : « Quand j’ai commencé, je jouais avec Serge Gabernet, Jean-Pierre Rives, Jean-Claude Skréla puis est venue la génération Eric Bonneval, Denis Charvet avec qui on a tout gagné », se rappelle “Porto”, la voix teintée de fierté. « En fin de carrière, j’ai fini avec Emile Ntamack, Thomas Castaignède, Jérôme Cazalbou, Christian Califano, que j’ai d’ailleurs formé avant de partir. C’était un garçon formidable, je voyais qu’il avait un potentiel rugbystique énorme et il l’a prouvé par la suite ».
Un palmarès qui impose le respect, mais qui n’efface pas le seul regret de sa carrière. La voix se crispe. Il poursuit en conservant sa bonhomie si caractéristique mais le souvenir le déstabilise : « C’était pour la première Coupe du Monde en 1987. J’ai appris, dans les journaux, que je n’étais pas pris alors que j’avais fait tous les rassemblements avant. Il est là mon regret ! J’étais au sommet ! »
Et pour responsable, il ne met en cause qu’une seule personne, dont il peine à prononcer le nom : « Le sélectionneur Jacques Fouroux n’aimait pas Toulouse et nos entraîneurs Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux. Il m’a dit un jour : “Signe à Agen et tu seras international”. Qu’est-ce que ça voulait dire ça ? Moi j’étais bien à Toulouse avec mes copains je ne voulais pas partir. » Un souvenir qui lui serre encore la gorge et qui lui fera lâcher trois ou quatre noms d’oiseaux en direction de Jacques Fouroux, tels les “caramels” qu’il distribuait sur le terrain dans ses grandes années.
Claude Portolan reconnaît avec le recul, mais toujours avec humilité, qu’il a fait partie des précurseurs, ceux qui ont posé les premières pierres du fameux “jeu à la toulousaine”. Ce jeu basé sur les enchaînements de passes et de déplacements sur le terrain, souvent générateur de spectacle et aux antipodes de celui pratiqué par l’équipe référence des années 1980, « le grand Béziers ». Un jeu qui collait parfaitement aux qualités de ce pilier doux dans la vie mais rugueux en mêlée, qui possédait des aptitudes techniques supérieures à la moyenne à l’image de Cyril Baille, dans lequel il se reconnaît.
« J’aimais toucher des ballons, j’aimais galoper », analyse t-il, confiant qu’il aurait aimé jouer le rugby d’aujourd’hui, fait « de courses où tout le monde touche la balle ». C’est d’ailleurs cette philosophie du rugby qui lui permet de garder le lien avec “les anciens”, comme il aime à les appeler. « On en parle souvent entre nous. On a commencé avec ce jeu-là qui a ensuite fait les heures de gloire du Stade Toulousain et qui nous a fait gagner des titres », explique-t-il.
Mais s’il a gagné des titres, “Porto” n’oublie pas non plus les heures d’entraînements intensifs et parfois les sacrifices pour y parvenir, toujours un brin d’émotion dans sa voix chantante : « Des moments privilégiés, dans lesquels on prenait même plus de plaisir que lors des matchs du dimanche… On arrivait même au stade une heure avant le début de l’entraînement pour se faire un petit foot entre nous, partager quelques heures entre copains… Et pourtant on sortait du travail », sourit celui qui, à une époque où le rugby n’était pas professionnel, travaillait à GRDF.
C’est en 1996, après 15 ans passés au Stade Toulousain, que Claude Portolan a raccroché les crampons. Un poil tétu, il n’a « jamais voulu connaître le rugby professionnel » (le rugby se professionnalise cette année-là, NDLR). Il a ensuite poursuivi son parcours chez GRDF, qu’il n’a quitté qu’en 2020 pour couler des jours heureux à la retraite. Retraite qu’il occupe en partageant son temps entre repas de famille, parties de pétanque et un peu de sport, notamment du vélo…, mais dans laquelle le rugby n’est jamais bien loin.
Retiré des terrains de rugby qui l’ont fait connaître, il décide de revenir aux sources, là où il est né, a grandi et a touché ses premiers ballons ovales : Auterive. Il y entraîne le club local (Fédérale 3 à l’époque, NDLR), loin des considérations du rugby de haut niveau. « Je l’ai fait une année et puis j’ai arrêté. C‘était trop compliqué ! » se souvient-il, lui qui a eu du mal à comprendre la désinvolture de ses joueurs : « Un week-end l’un était au ski, le week-end d’après un autre ne venait jouer parce que sa copine ne voulait pas… » Des attitudes loin du très haut niveau mais aussi de l’exigence du pilier aux 358 matchs sous le maillot du Stade toulousain.
Loin de l’odeur du camphre et du bruit des crampons dans le tunnel, il se souvient tendrement des troisièmes mi-temps, qu’il confie avoir « toujours appréciées », et regarde amusé le rugby moderne qu’il juge un poil aseptisé. « Maintenant, le jeu est certes plus rude mais à l’époque, on se mettait des coups qui nous auraient valu des cartons rouges aujourd’hui. Les règles changent et deviennent un peu abusives : pour un plaquage un peu haut, c’est rouge de suite », regrette-t-il. « De mon époque, si un mec était hors-jeu, il prenait un marron, il retournait à sa place, et ça ne faisait pas tant d’histoires », s’amuse Claude Portolan. Il conclut en riant : « On rentrait dans les mêlées avec un mètre d’élan et, après s’être mis un coup de tête, on prenait notre place, et puis c’est tout ! »
Au delà de tout, c’est la passion pour le ballon ovale qui anime ce gaillard de 120 kilos. Il regarde encore tous les matchs de Top 14, et particulièrement ceux de ses successeurs au Stade Toulousain. Et, c’est ému qu’il explique ce qui le lie encore aujourd’hui au club aux 5 étoiles européennes : « Les “anciens” sont souvent reçus par Didier Lacroix. Il nous dit souvent : “C’est ici votre place, votre club, vous venez quand vous voulez”. Moi, j’y ai passé 15 ans de ma vie, je ne peux pas oublier, c’est ma deuxième famille. »
Commentaires
Daniel Delpirou le 09/12/2024 à 09:13
Voilà une homme qui a l'amour du rugby ainsi que de son ancien club le stade toulousain dans vos commentaires vous nous faites revivre ces magnifiques moments ou le rugby était amateur avec le sens de l'amitié des troisièmes mi-temps non plus au professionnalisme ou l'argent compte plus que de mouiller son maillot pour son clocher.. merci au stade toulousain d'avoir formé dans son histoire qui est très longue tant de grand nom du rugby français. Merci encore à vous est bon vent pour Les années a venir dd