AGORA. En pleine crise de la représentativité politique, les outils numériques font les yeux doux aux citoyens. Franck Bousquet, professeur de sciences de la communication à l’université Paul Sabatier explique en quoi leur démocratisation n’est pas si évidente mais reste une belle promesse.
«Ce ne sont pas les outils numériques qui vont transformer les citoyens.» Pour Franck Bousquet, professeur de science de la communication à l’université Paul Sabatier, pétitions en ligne, réseaux sociaux et autres sites de consultation citoyenne sont « des moyens » : ils ont la capacité de faire évoluer notre façon d’appréhender la politique mais n’est pas exploité pour autant. « Ces outils viennent s’insérer dans un contexte, dans des habitudes et des pratiques préexistantes. Tout dépendra donc des acteurs qui s’en emparent, certains sont parfois compulsifs alors que d’autres sont plus observateurs», explique celui qui fait également partie de l’Observatoire des pratiques socio-numériques. Les études portant sur le profil des signataires de la pétition en ligne contre la loi Travail par exemple démontrent que la plupart d’entre eux ne découvrent pas la politique, « même les primo-utilisateurs s’y sont déjà intéressés». Il arrive cependant que les réseaux sociaux fassent fonctionner ce que les spécialistes appellent « la force des liens faibles ». En acceptant dans son cercle d’amis virtuels quelqu’un qu’il connait peu, l’utilisateur sort de son cercle de réflexion habituel et se confronte à d’autres points de vue politiques.
« Ils rendent possible une cristallisation de l’opinion publique», ajoute Franck Bousquet, «c’est-à-dire qu’ils réunissent différentes personnes autour d’une même cause. Cela donne naissance à des collectifs qui s’engageront par la suite», ajoute Franck Bousquet. Un regroupement qui peut peser sur la vie politique. Le professeur des universités cite l’exemple de la pétition lancée sur change.org et mesopinions.com pour la grâce de Jacqueline Sauvage. «L’affaire n’aurait pas eu la même visibilité sans toutes ces signatures», explique-t-il. Il est donc devenu plus facile d’interpeller les élus directement.
Franck Bousquet, souligne cependant une limite possible aux dispositifs de dialogue direct, ceux où les politiciens sont censés répondre aux citoyens. S’ils n’ont pas le temps, des professionnels des relations publiques prennent le relais et le principe d’échange sans intermédiaires en souffre. Pour le professeur, si à l’avenir, la consultation en ligne des citoyens doit se développer, c’est avant tout dans les sphères locales : là où les élus sont plus disponibles et où les citoyens se mobilisent plus facilement. Les thèmes de proximité étant plus concernants.
Avant toute action d’ampleur, il serait en revanche nécessaire de bien définir le cadre de la démocratie participative 2.0. À l’instar de la mise en place de la loi pour la République Numérique : 1 330 citoyens ont voté en ligne et déposé plus de 8 500 arguments, amendements et idées pour de nouveaux articles, sur le site republique-numerique.fr. Au final, toutes les propositions n’ont pas été retenues et ce sont donc les politiques qui ont tranché. «Si l’on veut un système participatif, il faut établir dès le départ la manière dont on intègre les avis des internautes. Les parlementaires devraient peut-être accepter de lâcher une partie de leurs prérogatives. Il y a quelque chose à inventer. »
Le Monde, sondage Harris Interactive pour le quotidien Le Parisien et Credoc 2013
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