Affinités. Au premier abord ils n’ont rien en commun. Pourtant pour le Journal Toulousain, Christian Picquet et Arnaud De Maria ont pris leur petit déjeuner ensemble cette semaine. Au menu : l’intervention télévisée de François Hollande dans l’émission « dialogues citoyens », le rapport préconisant la refonte des minima sociaux et la sécurité des anciens chefs d’État.
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat
Entre café noir et thé vert les trois sujets du jour leur ont donné du grain à moudre… À l’annonce du premier thème, Arnaud lance tout de go: « Je n’ai pas la télé ! » Sa vision de la politique comme il aime à l’expliquer n’est pas celle « qui se construit pas ce biais-là… il faut reprendre le pouvoir par le terrain. Et de toute manière, l’emballement médiatique met cette élite sur le devant de la scène. » Sirotant son petit noir, Christian Picquet, reste pensif, il évoque finalement avoir, lui, « hélas visionné » l’intervention de François Hollande : « J’ai vu un président qui s’enferme dans l’autisme. La société lui dit des choses qu’il n’entend pas.» Un peuple de gauche qui exprime son mécontentement, 6 électeurs socialistes sur 10 qui ne reconduiraient pas leur choix, sont pour l’homme politique du jour des signes qui font que « son bilan « quasi positif » dépasse l’entendement ». Sans parler tartines, François Hollande voudrait-il le beurre et l’argent du beurre ? D’après Christian Picquet « Si on s’en prend aux fondamentaux de la république, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait tout un pays debout. » Un avis bien tranché qui résonne chez son voisin de table : « de toute façon, il y a un problème de participation, l’espace d’expression est très limité. Je suis partisan de la désobéissance civile ».
« La politique doit reprendre la main sur la finance »
-Christian : la république c’est la désobéissance civile ! On oublie aujourd’hui que la constitution de 1793 c’était le droit à l’insurrection ! Et d’évoquer ses années en tant que faucheurs d’OGM… Nos invités partagent clairement l’envie de rébellion face à une société qui va dans le mur, « c’est la première fois qu’un président gouverne contre son propre camp ! À l’évidence il ne peut pas rassembler la gauche. Aujourd’hui 99% de la société pâtie de la cupidité de 1% : la politique doit reprendre la main sur la finance », détaille le fondateur du Front de gauche. Et lorsque qu’Arnaud réclame une politique « citoyenne, en lien avec les gens », le débat file vers l’idée de referendum, sont-ils vraiment utiles ? Christian évoque le jacobinisme « qui avait instauré le fait qu’aucune loi ne pourrait être adoptée dans l’acceptation de 50% +1 des départements ! » Lors de son intervention télévisée, François Hollande ne s’est pas positionné quant à 2017, mais d’ici là, sa cote de popularité a-t-elle une chance de remonter ? « Les hommes politiques savent très bien gérer leur carrière : les réformes impopulaires en début de mandat, les autres à la fin ! » Si Christian rejoint son camarade, il explique : « le président a clairement un truc derrière la tête, il va prendre en otage les Français en les effrayant avec la droite et l’extrême droite au second tour… Mais une chose est sûre il a irrémédiablement divorcé de la gauche… »
Le débat glisse tout naturellement vers le second sujet du jour, le rapport Sirugue qui prône une refonte totale des minima sociaux. L’idée ? Les rendre plus efficaces et plus lisibles grâce à la création d’une aide socle pour remplacer les 11 existants. « Je ne peux pas être en désaccord avec l’idée, attaque Christian, mais je vois pointer dans ce rapport une idée dangereuse, celle de supprimer l’ASS (allocation de solidarité spécifique) ». Pourtant il reste clair pour nos deux invités que ce rapport évoque des « solutions pansement », et que l’urgence est plutôt -en parallèle- à « relancer la machine économique et ne pas niveler par le bas… »
-Arnaud : Plutôt que de parler des minima sociaux, il faut une autre approche, donner au peuple le moyen d’accéder à des besoins primaires…Il y a toujours ce mythe du plein emploi !
« Un petit milieu consanguin au sens marxiste du terme. »
Le créateur d’entreprise spécialiste de la « transition » revient alors sur l’idée de conversion écologique de l’économie. Si Christian adhère à l’idée il avance que cela ne peut décemment pas se faire en un claquement de doigts : « il faut un véritable plan Marshall, des investissements en masse ! Il faut reconcevoir radicalement le mode de développement et de consommation. Arrêter à tout prix l’austérité ! » Et l’homme politique de citer les pays européens comme l’Italie, l’Allemagne qui ont pris des libertés face au dogme de l’austérité, qui est « un véritable non-sens économique ».
Nous mettons un terme à la discussion en introduisant notre dernier sujet du jour : le coût nécessaire à la sécurité des anciens chefs de l’état français. « Je ne sais pas à quel point ils sont en danger aujourd’hui ? » plaisante Arnaud, soulignant qu’il doit y avoir des abus… En face, Christian comprend « qu’il faille protéger des personnalités publiques de premier plan particulièrement dans le contexte que l’on connait, mais un garde du corps pourquoi pas, par contre une armada de personnel de maison, chauffeur, etc. non ! D’autant qu’ils ont déjà des avantages à vie, ils peuvent largement financer ça tout seuls. En plus certains cumulent…Il faut un réel débat sur le statut de président de la République. Après leur mandat, ils restent auréolés du statut de monarque ! La France est en train de crever de ce système de monarchie présidentielle. » Pourquoi, ne pas instaurer un plafond et une limite dans le temps à ces avantages, comme le préconise le rapport en question ? Nos invités acquiescent face à cette proposition bien que Christian modère quelque peu les chiffres : « 10 millions, aujourd’hui dans le budget de l’État, c’est une goutte d’eau… » Arnaud trouve ça un peu fort de café il ajoute d’ailleurs que ce genre d’étude peut difficilement faire bouger les choses : « C’est un petit milieu consanguin au sens marxiste du terme, je ne crois pas qu’ils soient prêts à se mettre des coups de batte de base-ball ! » Un coup d’épée dans l’eau donc ? Nos invités voient plus grand, ils s’entendent sur l’idée d’une VIe république dans l’idée de la dé-présidentialiser. « Ce système dans lequel on s’est engouffré est un non-sens, on est les seuls avec cette institution présidentielle, ça dessèche la démocratie et développe l’animosité des citoyens » termine Christian.
Mini bios :
Christian Picquet : Journaliste de profession et militant communiste de la première heure, il est l’un des trois fondateurs du Front de Gauche. Tête de liste aux élections régionales de 2010 il est élu conseiller régional la même année. Également auteur il publie « La république dans la tourmente » en 2003.
Arnaud De Maria : Diplômé d’école d’ingénieur, il fonde Transistore en mai 2015 avec de Vincent Cathelineau. L’objectif de la startup toulousaine est de mettre au point un modèle d’accompagnement compatible avec les différentes connaissances en matière de transition énergétique, sociétale ou environnementale.
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