Une usine d’enrobage à chaud pourrait s’installer à Portet-sur-Garonne pour permettre la rénovation des chaussées sur une partie de l’autoroute A64. Une installation contre laquelle les riverains se mobilisent. Ils craignent des nuisances et des risques pour la santé.
Alors que l’usine de production d’enrobage à chaud de Gragnague, qui avait suscité de vives oppositions car située trop près des habitations, a arrêté ses activités cet été, une autre est en projet à Portet-sur-Garonne. Celle-ci s’installerait sur le site de la société des Sablières Malet, au 27 avenue de Palarin. Une demande de l’entreprise Colas qui doit réaliser, « dans le cadre du programme d’entretien courant des chaussées » et pour le compte de Vinci Autoroutes, la rénovation des chaussées de l’autoroute A64 Nord « sur une section de six kilomètres comprise entre Roques-sur-Garonne et la bifurcation A64/A620 de Bordelongue (comprenant la réfection des échangeurs de Roques, de Francazal, du Chapitre et la bifurcation de Bordelongue) ». Des travaux de renouvellement de l’enrobé qui « devraient être réalisés entre mars et juin 2024 ». « La dernière grande opération d’entretien de cette section date de 2009 », indique la société.
Et « pour mener ce chantier, une usine de production d’enrobé devra être installée provisoirement pour la durée des travaux », souligne Vinci Autoroutes. Mais avant, une consultation du public pour l’implantation de cette centrale doit être menée. Actuellement en cours, elle s’achèvera ce lundi 4 décembre. Le préfet de Haute-Garonne devra ensuite donner son feu vert ou non à ce projet. « En cas d’autorisation, l’usine sera en fonctionnement pour le chantier de rénovation des chaussées entre mars et juin 2024. Pour limiter la gêne à la circulation notamment lors des déplacements domicile-travail, les travaux sur la section courante et sur les échangeurs seront réalisés exclusivement de nuit, sous fermeture partielle de l’autoroute et/ou du ou des échangeurs concernés, entre 22h et 5h du matin », détaille Vinci Autoroutes. Une installation qui n’enchante pas les riverains, dont les premiers se situent « à 220 mètres au Nord-Ouest des limites du projet, de l’autre côté de l’A64 ».
« Ce n’est pas un endroit pour installer une usine chimique. La sablière est déjà source de poussière et de bruit. Les riverains n’en peuvent plus et n’accepteront rien de plus », appuie un habitant de Villeneuve-Tolosane qui a appris l’existence du projet par le biais d’une affiche d’avis au public installée sur le bord de la route à l’entrée de la sablière. Comme lui, la Mairie de Portet s’inquiète « des pollutions (bruit, odeurs, particules) que générerait cette centrale ». Contactée par le Journal Toulousain, Vinci Autoroutes répond : « Sur le plan du bruit, des poussières et des odeurs notamment, le maître d’ouvrage travaille déjà conjointement avec l’entreprise dans le cadre d’une écoute active des élus locaux pour déployer des dispositifs qui limiteront les nuisances. Limitation des bruits des véhicules et discrétion renforcée du personnel du chantier, réduction des vitesses, aspersion des pistes et de la plateforme, contrôle et limitation des émissions sont autant de thèmes sur lesquels nous travaillons ».
Outre les nuisances sonores et olfactives que pourraient générer l’usine d’enrobés, la municipalité et les riverains craignent « des risques en matière de santé ». « Si cette centrale devait être installée, Vinci devrait saisir ATMO Occitanie, seul organisme indépendant chargé de la surveillance de la qualité de l’air et lui confier une mission de contrôle et de suivi des émissions de toutes natures liées au fonctionnement de cette centrale… », exige ainsi la Ville de Portet. Ce qui devrait être mis en place. « Des échanges sont en cours avec ATMO Occitanie pour étudier les modalités de mise en œuvre d’un contrôle et suivi des émissions liées au fonctionnement de l’usine mobile temporaire », déclare Vinci Autoroutes qui se veut rassurante : « Sur le plan sanitaire les seuils et processus de contrôles nous garantissent la stricte protection des populations. Une fois en exploitation, l’usine fera l’objet de contrôles par un bureau extérieur et indépendant durant son fonctionnement. Ces mesures permettront de s’assurer de la protection de l’environnement par le bon respect des normes sanitaires et environnementales qui seront inscrites dans l’arrêté et s’effectueront sous le contrôle des services de l’État ».
Plus que les problématiques liées à cette usine d’enrobés, le Maire de Portet-sur-Garonne, Thierry Suaud et certains élus municipaux interrogent la légitimité même de cette installation. « Ne peut-on pas utiliser des centrales fixes déjà présentes sur d’autres sites ? » D’après Vinci Autoroutes, cela n’est pas envisageable pour plusieurs raisons. « L’installation d’une telle usine mobile est rendue nécessaire par la quantité d’enrobé à produire chaque nuit (jusqu’à 1 600 tonnes certaines nuits en cinq heures) sur un chantier autoroutier dont la durée doit être réduite au maximum pour limiter la gêne à la circulation sur autoroute et les périodes de déviations. L’enjeu est aussi de pouvoir rouvrir chaque matin à l’heure pour permettre aux 30 000 personnes qui empruntent l’A64 en direction de Toulouse d’aller travailler. Une centrale fixe existante ne saurait répondre à ce niveau de rendement sans contraindre les autres maîtres d’ouvrage et chantiers en cours sur le territoire », estime la société.
La municipalité se demande aussi « pourquoi ce site des sablières Malet est-il le seul envisagé ? » Sans vraiment répondre à cette question, Vinci Autoroutes indique que Colas l’a choisi parce qu’il est « déjà industrialisé », ce qui « permet d’éviter de nouvelles artificialisations et limite les impacts sur l’environnement naturel ». Mais aussi pour sa proximité avec la voie ferrée Toulouse-Tarbes « qui permet un approvisionnement amont des granulats par train » et pour sa proximité avec l’autoroute « qui permet de bénéficier des accès les plus directs entre le chantier et l’usine de production d’enrobé », « de réduire les distances de transport des camions et de limiter ainsi les impacts environnementaux, mais également d’éviter la circulation des camions sur le réseau secondaire », précise la société. Mais cela ne convainc pas la Mairie. « L’argument selon lequel ce site serait le plus intéressant pour limiter les nuisances puisque proche de l’A64 n’est pas recevable pour les élus puisqu’aucun accès direct des Sablières vers le chantier n’est proposé. Tout n’est donc pas fait pour éviter les va et viens de camions… », souligne-t-elle. Mais d’après Vinci Autoroutes, la création d’un accès direct entre l’autoroute et le site des sablières est bien « à l’étude pour la durée des travaux ».
Ainsi, pour la Ville de Portet-sur-Garonne, dont les élus et responsables techniques ont eu l’occasion de rencontrer Vinci Autoroutes au sujet du chantier prévu sur l’A64, la société « n’apporte aucune réponse à ces questions essentielles à leurs yeux ». Les riverains ne sont pas non plus convaincus par ses arguments. Ils « espèrent que le projet sera enterré », rapporte l’habitant de Villeneuve-Tolosane. Auquel cas, il assure que certains riverains seraient « prêts à bloquer l’usine » lorsque celle-ci sera en fonctionnement. Ces derniers projettent d’ailleurs de créer « une association ou un collectif » pour faire bloc contre le projet de centrale d’enrobage à chaud. « C’est maintenant qu’il faut agir », souligne l’habitant qui avait pris l’initiative d’envoyer l’affiche de la consultation du public à 200 habitants à proximité de la future usine pour les prévenir de ce projet.
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