GOUVERNANCE – Le 1er janvier 2018, la salle toulousaine a changé de statut juridique pour devenir une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Au-delà de l’enjeu économique, c’est surtout un véritable projet citoyen. – Nicolas Belaubre
© DRAvec 52 000 spectateurs par saison, le Théâtre du Grand Rond se porte bien. Alors si le public est au rendez-vous et qu’artistes comme salariés semblent satisfaits, pourquoi changer ? « C’est avant tout un choix militant et politique, pas une stratégique économique », insiste Eric Vanelle, salarié du théâtre en charge du développement. « Le statut d’association nous allait très bien. Pour nous, c’était plus simple et moins risqué de ne rien changer. En nous constituant en société commerciale, nous voulons revendiquer pleinement et ouvertement notre rôle d’acteur économique. » Le but est donc autant de « ne pas laisser le marché aux seules mains des capitalistes », que de pallier au manque de reconnaissance et de crédibilité du secteur associatif et culturel qui est pourtant au cœur de l’économie sociale et solidaire et représente 10 % du PIB national, selon les chiffres du gouvernement.
En optant pour le modèle de la SCIC, une des formes de société coopérative, le théâtre du Grand Rond réaffirme les valeurs qu’il défend depuis sa création. « Ce lieu a été sauvé grâce à une grande diversité de personnes et la direction a toujours été collective », rappelle Eric Vanelle. Si l’on ajoute le caractère collectif et social du projet, l’ouverture aux partenaires ou le principe du réinvestissement intégral des bénéfices, le cadre général de la SCIC semble avoir été taillé sur mesure. Pour ne pas s’approprier ce qu’ils considèrent comme un outil de travail collectif, les salariés ont fait le choix de partager leur pouvoir de décision en assemblée générale à 50 % avec les artistes, partenaires et usagers. Dans les faits, le théâtre est désormais une Société par actions simplifiées que toute personne, physique ou morale, peut intégrer en achetant une part de 50 € et après un vote d’admission annuel. Chaque nouvel actionnaire prend part à l’un des cinq collèges d’associés, en fonction de son statut individuel.
Le plus gros défi quand une association passe en SCIC, c’est celui de la structuration et de la gouvernance. C’est avant tout un projet démocratique, où chacun possède une voix indépendamment du capital investi. « Il faut une réelle culture de la démocratie pour se lancer et accepter de transférer le pouvoir aux salariés ou aux associés », avertit Cyril Rocher, délégué de l’Union Régionale des Scop de Midi-Pyrénées. À Muret, le Théâtre des Préambules, qui vient d’ouvrir ses portes le 14 janvier, a fait le pari de se monter directement en Scop. « La prise de risque financière est plus importante car nous ne sommes plus éligibles aux subventions de fonctionnement, mais nous y retrouvons un mode de gestion horizontal et les valeurs associatives », confirme Marine Castets, cofondatrice de cette salle entièrement dédiée au jeune public. « C’est une formule qui nous paraît adaptée aux compagnies car elle permet d’être associé tout en restant salarié. Les grandes structures publiques devraient également se pencher sur cette formule. Elles appartiennent à la collectivité, mais sont trop rarement gérées de manière collective et coopérative », conclut Eric Vanelle.
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