“Vous ne m’avez pas aimé. Vous avez aimé être amoureux de moi.” Nora
Elle est là. Sur une marche au milieu de nous, elle nous accueille, nous parle, plein de bienveillance, elle nous sourit, demande si nous sommes bien dans nos sièges, s’il ne fait pas trop chaud, etc. Puis, elle entre sur le plateau, toujours la même, souriante, aimable, contente. Elle nous donne à voir l’intérieur cossu de sa demeure avec son canapé et les jouets pour enfants. On est dans la classe moyenne haute. Tout va bien, une mère chaleureuse et dévouée, un foyer paisible. On va rire devant cette pièce de boulevard surtout quand il entre, lui, avec son costume saumon, débonnaire. Il rentre donc chez lui, une serviette à la main car il travaille beaucoup, c’est un homme donc lui. Il travaille et elle s’occupe de la maison. Tout va bien, mais c’est la guerre qui commence. Il introduit la première giclée de poison dans le logis. Ce poison, il dure depuis la nuit des temps, c’est le masculinisme, les certitudes viriles, la parole féminine considérée comme hystérique. Le plus terrible, c’est que Nora veut sauver tout ça en fabriquant un faux papier pour subvenir aux soins dont a besoin Helmer, malade.
La deuxième giclée de poison, le courrier du prêteur Krogstad révélant l’affaire, amplifie l’humiliation de Nora. Helmer est choqué, outré. Il n’est pas ému de ce geste de soumission qui pourtant maintient tout en ordre, non, ce dont il a peur c’est que son image publique soit salie. Elle, et bien elle n’existe pas, où si ce n’est que pour fauter. C’est à ce moment là que la conscience souterraine de Nora et la réaction de son mari la transforme en couteau qui transperce Helmer et ses valeurs, dans le coeur, au coeur de la chose, dans cette matrice sexiste qui écrase Nora et les autres. Elle sort de l’enfer par la grande porte. Sans fuir, elle abandonne mari et enfants – on a envie pour toujours – en prenant soin d’expliquer froidement pourquoi elle s’en va. La réponse d’Helmer révèle le sujet de la pièce : une société modelée, fabriquée, par et pour les hommes ou les femmes sont des poupées, jolies objets pour jouer ou décorer un endroit mais sans cerveau, sans intelligence. Alors Helmer entend mais n’écoute pas, ne comprend rien, abasourdi qu’il est par la liberté prise par sa “poupée”. La mécanique ordonnée d’une structure sociale qui met les hommes en haut de la pyramide déraille, bien sûr accompagnée de la morale. C’est enfin le désordre dans ce foyer si propret, organisé pour ne plus réfléchir. Nora partie, Helder ne nous fait pas pitié une seule seconde, seul, au milieu de la maison qui, tout d’un coup très vide, ressemble à un désert. Désormais Nora ne va plus rester tranquillement à la maison ou rentrer à l’heure. Non, elle ne veut plus, elle a une vie à mener. Helder est fou de rage et je ris.
Par Mathieu Méric
La rédaction
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