Un concept de la répétition implique une répétition qui n’est pas seulement celle d’une même chose ou d’un même élément. Les choses ou les éléments supposent une répétition plus profonde, rythmique. L’art n’est-il pas à la recherche de cette répétition paradoxale, mais aussi la pensée?
La chorégraphe Maguy Marin, installée en résidence au Théâtre Garonne depuis trois ans, nous avait laissés dans une nuit habitée par l’angoisse et la mélancolie avec Nocturnes l’année dernière. Voici qu’elle reste dans une nuptialité, mais cette fois-ci, plus spectrale et brutaliste. L’obscurité dans laquelle est plongé le plateau devient ténèbres nerveux quand une techno occulte sortie des entrailles d’une grotte arrive puissamment dans nos oreilles. La Mort rôde bien sûr partout dans cette opacité générale. Dès lors qu’est-ce qui peut nous sauver ? Qu’est-ce qui va déstabiliser cette plongée dans la Géhenne ?
Dans l’ombre, des figures émergent du fond de la scène, elles donnent naissance à une farandole silencieuse, répétant son phrasé de danse. Imperturbables, les six danseurs surgissant sont paradoxalement ailleurs, absents de cet espace catastrophe. Ils sont en eux, mais aussi ensemble, lié par la main et le rythme, non-assujettis à l’environnement crée devant nous. Oui, dans les ténèbres, il se crée quelque chose malgré tout.
L’antinomie est radicale entre la lenteur des corps appliqués à déambuler dans un décor géométrique et austère et la fureur dévastatrice des BPM technoïdes. Il n’y a pas de dialogues entre eux, chacun son langage, l’un résistant à l’autre.
Cela ne dure pas, voilà les interprètes happés par le lieu et ce qu’il recèle, ils se désunissent et luttent désormais individuellement contre lui et entre eux. Cette lutte s’inscrit dans les corps bien sûr. L’ordre, la répétition, la communauté spontanément assemblée du début, si puissante qu’elle résiste au morbide laisse la place aux chutes, aux duels. L’état de sauvagerie s’installe. La violence fait irruption sur le plateau et elle n’est pas seulement physique, mais aussi mentale. Le visible n’est plus visible, les corps sont violentés, l’invisible, c’est-à-dire la pensée, la foi, l’imagination est corrompu. Tout se disloque et puis, dans l’embrasement final, là où nous devons tous finir en poussière, Maguy Marin prend l’exact chemin opposé, elle rend leur rythme aux corps dansants, c’est-à-dire leur vie. Une vie qui s’affiche et s’affirme malgré la déliquescence de notre temps.
MM
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