« Papa, je veux voir des singes ! » Il y a des phrases qui peuvent augurer d’une journée compliquée. Le zoo le plus près étant à 20 kilomètres, le parent pris de court devra ruser pour satisfaire cet imprévisible caprice. Heureusement, le JT s’engage à trouver des solutions et à anticiper toutes vos questions existentielles, même les plus insolites.
À proximité des régimes de bananes du marché-gare ou sur les plus hautes branches des platanes, pas l’ombre d’un représentant de notre aïeul velu. Nous voilà condamnés à arpenter la ville en quête de traces d’un de ces facétieux quadrumanes. C’est avenue de la Colonne, au pied de la butte de Jolimont, qu’une remarquable demeure attire notre attention. Sa façade somptueuse, à l’enduit grêlé par les assauts du temps, regorge de moulures tarabiscotées. Notre œil, entraîné par le foisonnement d’ornements s’arrête sur l’un des coins supérieurs où, sur un piédestal, trône un curieux personnage. Un chimpanzé !
Accoutré d’une redingote et d’un haut-de-forme, l’animal fume le cigare d’un air fat et semble poser un regard désabusé sur le monde. Deux de ses congénères occupent chacun des coins visibles de la rue. L’un est modestement vêtu d’une vareuse et coiffé d’une casquette de jockey tandis que l’autre est sagement assis sur le faîte du mur mitoyen, dans le plus simple appareil.
C’est en prêtant attention aux blasons qui enjolivent son pignon et ses fenêtres que ce bâtiment, communément appelé ‘’la maison des singes’’, nous dévoile son histoire. Présentée par deux angelots, une conque sert d’écrin à un écusson gravé d’un G majuscule, du nom de l’illustre famille Giscard qui a été propriétaire des lieux pendant quatre générations. C’est en 1855 qu’un ancien contremaître de la fabrique Virebent s’installe à son compte et fonde la Maison Giscard. Spécialisée dans les ornements architecturaux et la statuaire religieuse en terre cuite, la manufacture connaîtra ses plus belles heures en 1920.
Surchargée de motifs et truffée de symboles, la façade de la maison de famille, accolée aux ateliers, servait de vitrine au savoir-faire de ces ouvriers talentueux. En fouillant un peu, on découvre entre autres, une ésotérique main divine et ailée, les outils indispensables aux compagnons sculpteurs ou, enfin, l’équerre et le compas des franc-maçons. Ce goût pour l’allégorie et les messages cachés ouvrent la porte à une plaisante interprétation du simiesque fumeur de havane. Dans les ateliers, le singe était alors le nom familier dont on affublait le patron.
C’est en 2005, à la mort du dernier descendant, que la fabrique ferme ses fours. Ce dernier lègue à la ville une partie de la manufacture et les 50 000 pièces conservées dans les ateliers. Fidèle au vœu du légateur d’en faire un lieu accessible au public et dédié à la terre cuite, la mairie de Toulouse a lancé des travaux de réhabilitation afin d’y accueillir les ateliers “Terre” de l’espace culturel Croix-Baragnon.
Nicolas Belaubre
Nicolas Belaubre a fait ses premiers pas de journaliste comme critique de spectacle vivant avant d’écrire, pendant huit ans, dans la rubrique culture du magazine institutionnel ‘’à Toulouse’’. En 2016, il fait le choix de quitter la communication pour se tourner vers la presse. Après avoir été pigiste pour divers titres, il intègre l’équipe du Journal Toulousain, alors hebdomadaire de solution.
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Commentaires
Noé Serres le 10/10/2024 à 16:55
J'ai habité avenue de la Colonne pendant 10 ans. Je ne manquais pas d'admirer cette maison atypique en passant devant presque tous les jours!