Suite à un double accident de train, survenu le 19 novembre 1993, sur la ligne Toulouse-Marseille, les mesures de sécurité de la SNCF ont évolué. Depuis ce jour, les conducteurs sont systématiquement remplacés lorsqu’ils sont confrontés à “un accident de personne”. Voici pourquoi.
« Le train Corail 6462, à destination de Marseille va entrer en gare », ont pu entendre les voyageurs qui attendaient le Toulouse-Marseille sur les quais de la gare Matabiau ce 19 novembre 1993. L’embarquement terminé, le chef de gare donne le départ du train et la locomotive CC-6519 se met en branle. Elle s’élance, tractant ses wagons, sur ce que les cheminots appellent “la transversale Sud”. Durant les premiers kilomètres, on y voit défiler les champs couverts de jeunes pousses de blé, entrecoupés des petits villages du Lauragais. Un voyage paisible… Jusqu’à Castelnaudary.
Aux abords d’un passage à niveau, un chien court en direction des rails. Il a échappé à la vigilance de son maître, un militaire, qui tente de le rattraper, s’exposant à son tour à l’arrivée du train. L’impact est inévitable, l’homme est percuté par la locomotive. À l’intérieur, le chauffeur, choqué, parvient à garder son sang-froid et réalise la procédure d’urgence en avisant le régulateur de l’accident. En attendant les secours, le conducteur de train se rend à l’arrière de sa machine et constate que la victime a le bras arraché, mais qu’il est vivant. Une fois le militaire pris en charge et évacué par les pompiers, le chauffeur doit remonter à bord de sa locomotive et reprendre sa route vers Marseille.
Le train effectue les arrêts programmés sur sa feuille de route, avec du retard bien sûr. Et si dans les wagons, les passagers n’ont rien vu, à l’avant, le chauffeur lui, est traumatisé. Fébrile psychologiquement, il est moins attentif à son environnement et ne voit pas la signalétique qui lui impose de ralentir à l’approche d’un aiguillage à Baillargues, dans l’Hérault. Au lieu de passer sur ce dernier à 60 kilomètres par heure comme le veut la procédure, le train est à 160 kilomètres par heure. La locomotive déraille, amenant avec elle les huit wagons qu’elle tracte.
Le bilan de cet accident n’est miraculeusement pas très lourd : 15 blessés légers sont à déplorer. L’enquête révèlera que l’état psychologique du chauffeur, choqué par l’accident survenu plus tôt dans la même journée, est à l’origine du non-respect de la limitation de vitesse. Une conclusion dont s’est saisie la SNCF pour faire évoluer ses règles de sécurité afin d’éviter qu’un tel événement ne se reproduise. Comme le précise la direction nationale de l’entreprise, « les règlements de sécurité sont très anciens. Avec le développement du ferroviaire, de nouvelles situations se présentent et comme il n’était pas possible de prévoir tous les cas, il est exact de dire que les nouvelles situations rencontrées, et donc parfois les accidents, ont fait progresser les règlements de sécurité ».
Ainsi, depuis cet accident, la SNCF a mis en place une procédure dite de “relève”. Lors d’un accident de train impliquant une ou des personnes, le chauffeur est systématiquement remplacé ou, si cela n’est pas possible, accompagné d’un supérieur hiérarchique pour terminer le trajet. Une mesure de sécurité sur laquelle travaillait déjà la SNCF, mais dont la mise en place effective a été accélérée par le déraillement du train Toulouse-Marseille. À ce règlement s’ajoute une prise en charge du conducteur par une cellule psychologique, active en permanence. Une mesure loin d’être superflue quand on sait qu’un chauffeur de train sera confronté, au moins une fois dans sa carrière, à un accident de personne, comme l’a confié la SNCF au média Slate.
Depuis, la sécurité s’est accrue davantage. « L’arrivée de nouvelles technologies d’abord mécaniques, puis électriques, puis électroniques et maintenant informatiques a permis de développer des systèmes de répétition, de contrôle et d’arrêt automatique par exemple », explique la direction nationale de la SNCF. Et si les accidents comme celui de novembre 1993, peuvent être le déclencheur d’une amélioration de la sécurité ferroviaire, celle-ci ne résulte pas d’une seule adaptation à des incidents, comme tient à le préciser la Société nationale des chemins de fer : « Aujourd’hui, notre enjeu n’est pas de faire évoluer nos règlements, mais plutôt de faire croitre le niveau de sécurité du réseau et de son exploitation en développant de nouveaux systèmes basés sur de nouvelles technologies. » La SNCF s’adapte !
Commentaires