Depuis la loi du 4 mars 2002, les Tribunaux n’hésitent pas à user sans modération de la résidence alternée. Les Tribunaux espagnols ont suivi l’exemple français et la Principauté d’Andorre hésite…
Des exemples d’actualité ont montré les dangers de cette alternance « Une semaine chez papa/une semaine chez maman », a tel point qu’un adolescent a demandé récemment son émancipation au Tribunal d’Instance pour échapper à cette résidence alternée, ordonnée par un Juge aux Affaires Familiales.
L’idéologie est à l’origine de ce partage – à la Salomon – de l’enfant. La notion d’égalité absolue entre le père et la mère a prévalu. Et le législateur a donné aux Juges aux Affaires Familiales le pouvoir d’imposer une résidence alternée contre l’avis même clairement affiché d’un des parents.
Ce n’est bien entendu pas le cas dans beaucoup d’autres droits, où la mère bénéficie pratiquement de plein droit de résidence habituelle. Le droit japonais par exemple ne remet jamais en cause le droit pour la mère « qui a porté et allaité l’enfant » d’obtenir sans contestation possible la résidence habituelle de l’enfant.
Les conditions de la résidence alternée
Trois conditions sont requises pour que les Juges aux Affaires Familiales puissent imposer la résidence alternée : la proximité géographique qui s’entend par rapport au domicile des parents, mais surtout par rapport à l’école des enfants, l’âge des enfants (trop petits, non encore scolarisés, la mise en place d’une résidence alternée sera en principe refusée), et un minimum d’entente entre les ex-mariés, ex-pacsés ou ex-concubins : Cette entente s’apprécie, non au regard des relations de couple, mais au regard d’une convergence éducative. Si l’un des conjoints souhaite un enseignement laïque et l’autre un enseignement religieux, si l’un des conjoints est totalement opposé aux transfusions sanguines, si l’un des conjoints veut la circoncision et l’autre non, le Juge aux Affaires Familiales aura des difficultés pour constater la convergence éducative indispensable.
Les handicaps des pères
Malgré l’écoute certaine des Tribunaux en faveur des pères qui demandent la résidence alternée, les pères auront à établir une preuve à deux degrés : le fait qu’ils se sont occupés des enfants avant l’éclatement du couple d’une manière régulière et continue, sur le plan scolaire, éducatif, ludique et bien sûr affectif, mais aussi ils devront prouver qu’ils se sont d’ores et déjà organisés pour assumer sans difficultés leurs enfants une semaine sur deux.
Auront des difficultés à obtenir la résidence alternée les pères, professionnellement trop pris, les pères qui ont des activités aux quatre coins du globe et les pères travaillant la nuit. Pour rassurer les Tribunaux, ces pères devront démontrer que leur famille est là, bien présente en soutien, qu’une nouvelle compagne se propose pour pallier leur absence, ou que leur hiérarchie professionnelle les aidera à faire face à leur nouvelle responsabilité.
« Auront des difficultés à obtenir la résidence alternée les pères, professionnellement trop pris »
Les petits calculs des pères
Les demandes de résidence alternée ne sont pas toutes exemptes de calcul financier. Les pères peuvent demander une résidence alternée pour ne pas payer ou payer moins de pension alimentaire, pour partager les prestations CAF ou pour bénéficier des parts fiscales.
Outre les calculs financiers, la demande de résidence alternée est parfois le moyen de régler ses comptes affectifs avec l’ancienne partenaire. « Je t’attaque là où je te fais mal », c’est-à-dire à travers les enfants. Les enfants sont alors instrumentalisés comme objet de vengeance.
« Les Tribunaux peuvent forcer un des parents à accepter, contre sa volonté, une résidence alternée »
L’enfant roi
Les enfants, placés malgré eux au cœur du conflit parental, ne sont pas eux aussi exempts de calculs. Ils apprennent très vite qu’ils sont en mesure de faire pencher la balance du côté du père ou de la mère. Ils ont pour cela deux outils juridiques à leur disposition : soit demander à être entendus par le juge, et l’article 388-1 le leur permet, soit demander l’assistance d’un avocat d’enfant au titre de l’aide juridictionnelle. Dans les deux cas, ils peuvent s’épancher mais aussi peser très fortement sur les décisions qui seront prises. Combien d’enfants fuient le parent trop directif au profit du parent plus laxiste, ou fuient le parent ayant des difficultés financières au profit du parent plus aisé…
Le handicap majeur de la résidence alternée
Lorsque les ex-conjoints ont décidé d’une manière totalement consensuelle de partager leur temps avec leurs enfants, que ce soit 3 jours/3 jours, 8 jours/8 jours, 1 mois/1 mois ou toute autre formule puisque les Tribunaux sont très souples sur les modalités d’exercice de la résidence alternée, le résultat est positif. En revanche, depuis la loi du 4 mars 2002, les Tribunaux peuvent forcer un des parents à accepter, contre sa volonté, une résidence alternée. Les femmes, en général, vivent très mal une décision qui leur est imposée, par une volonté extérieure, toute puissante. Cela d’autant que cet ordre judiciaire est assorti de l’exécution immédiate nonobstant (c’est-à-dire malgré) un éventuel appel. La décision tombe souvent comme un couperet et la résidence alternée doit être mise en place immédiatement « avec exécution provisoire ». L’onde de choc de cette décision de résidence alternée est alors souterraine, et le conjoint à qui la résidence alternée est imposée entre en guerre et la plus pernicieuse qui soit ; la guérilla. Il multiplie les critiques, les sous-entendu, les mensonges même parfois pour faire lourdement payer à l’autre sa victoire judiciaire, qui peut alors se transformer en victoire à la Pyrrhus. Lorsque cette partie de bras de fer, terrible pour les enfants, est engagée, elle a malheureusement vocation à perdurer, car aux critiques de l’un répondent les critiques de l’autre. Le climat de guerre ouverte s’autoalimente par une radicalisation des deux parties.
Les solutions extrêmes
En présence de ces situations bloquées, les Tribunaux ont quelques solutions : soit la médiation qu’ils peuvent imposer depuis la dernière loi, afin de pacifier un conflit dans lequel les enfants, mais aussi les parents, sont victimes, soit l’écoute des enfants mais cela renvoi à la toute-puissance de l’enfant roi, soit la saisie du Juge pour enfant pour pouvoir ouvrir une AEMO, soit à l’extrême, le placement des enfants. Menace jusqu’au-boutiste, mais qui a au moins l’avantage d’amener les parents les plus vindicatifs à se remettre en question, et à se poser enfin la seule question qui vaille « nos enfants sont notre bien le plus précieux à tous les deux ». Faisons tout pour ne pas gâcher leur avenir qui est aussi le nôtre.
CV :
Avocat au barreau de Toulouse, spécialiste du droit de la famille, du droit public, du droit civil et du droit des étrangers.
Conseiller délégué honoraire de la Ville de Toulouse.
Coordonnées :
Cabinet Jean-Paul Escudier
10 rue des Potiers à Toulouse
Tel : 05.61.55.37.63
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