Voté en catimini le 30 avril dernier, en Commission des lois, à l’Assemblée nationale, l’amendement présenté par le gouvernement insérant un article additionnel dans le projet de loi sur la justice du XXIe siècle, adopté en 1re lecture au Sénat le 5 novembre 2015 et programmé pour être débattu à l’Assemblée nationale le 17 mai prochain, agite le monde judiciaire ainsi que les associations familiales.
Cet amendement introduit dans le Code civil un nouveau cas de divorce : « le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire». Ouf ! C’est dit.
Officiellement, ce nouveau divorce par consentement mutuel sans juge s’inscrit dans la volonté constante de simplification et de pacification des relations entre les époux divorçant et vise à réduire la durée et le coût des procédures.
Soyons réalistes cet amendement n’a d’autres fins que de poursuivre un plan d’économies et de soulager une justice moribonde que l’État n’a plus les moyens de financer si tant est qu’il en ait la volonté. Le droit de la famille représente une part très importante de l’activité des tribunaux.
“Privatiser” les divorces par consentement mutuel permettra à court terme de substantielles économies. Qu’en sera-t-il à plus long terme ? Combien de saisines pour des conventions non respectées, des conventions apparaissant à l’usage trop déséquilibrées, combien d’actions en responsabilité ?
Un divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. La procédure imaginée par le gouvernement aurait dû satisfaire les avocats, qui voient ainsi l’Acte d’avocat reconnu et mis en œuvre, les notaires et les juges. Il n’en est rien. Du côté des avocats, le Barreau de Paris qui gère la majorité des affaires familiales en France, le Conseil national des Barreaux et de nombreux professionnels de province s’opposent à ce nouveau cas de divorce pour différentes raisons : inutilité du recours à un notaire, augmentation du coût du fait de la présence obligatoire de deux avocats, rôle donné aux enfants mineurs, erreurs grossières contenues dans l’amendement (notamment en présence d’un majeur protégé), insécurité juridique (quant à la date d’effet du divorce) et difficultés d’application prévisibles.
Pour les notaires, qui attendent les débats à l’assemblée pour se positionner, cette réforme ne devrait pas – en toute logique – être bien vue. Même si leur rôle se limite à donner un caractère authentique, date certaine et force exécutoire, la rémunération envisagée – de l’ordre de 50 € – est indécente et sans rapport avec « les coûts pertinents du service rendu et la rémunération raisonnable » de la loi Macron.
L’Union syndicale des magistrats (USM), syndicat majoritaire, qui souhaite une plus grande déjudiciarisation dans le projet de loi, rappelle toutefois l’importance des juges en cette matière pour s’assurer du consentement des époux et de la protection des intérêts des parties et des enfants.
Le divorce semble consommé entre le législateur et les professionnels. Un consentement mutuel sur le sujet peut-il être trouvé ? Il faut l’espérer. Les justiciables sont favorables à un allégement de la procédure et des coûts. La situation dramatique dans laquelle se trouvent la plupart des juridictions et l’évolution de la société imposent de moderniser un peu plus une procédure aussi sensible que celle du divorce.
Marc Authamayou
CV :
– Spécialiste en Droit des Garanties, des Sûretés et des mesures d’exécution
– Avocat au barreau de Toulouse depuis 1991, il traite également des dossiers en droit des baux, de la copropriété, de la famille, des successions et en droit du travail.
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