EXTINCTEUR. Un fumeur perdrait un peu plus d’une heure de travail par jour en pause cigarette. Ce constat pousse de plus en plus d’entreprises à mettre en place des programmes pour inciter leurs employés à se passer du tabac. À Toulouse, le phénomène, qui concerne principalement les grands groupes, affiche des résultats très encourageants.
« Je n’avais jamais vraiment pensé à me lancer dans une démarche pour arrêter de fumer ! », avoue franchement Guillaume Rocheron. Pourtant, depuis six mois, ce dessinateur industriel chez Safran à Toulouse n’a plus grillé une cigarette. Après 20 ans de nicotine, il a réussi son sevrage tabagique grâce à un programme mis en place par son entreprise. « En novembre dernier, lors du “mois sans tabac”, le médecin de la société m’a fait souffler dans une machine qui calcule le monoxyde de carbone présent dans l’organisme. Mes résultats étaient élevés ! J’ai ensuite réalisé un test de mes capacités pulmonaires, et là encore le bilan n’était pas bon du tout. Ça m’a fait réfléchir », raconte-t-il.
Là, Guillaume Rocheron parle pour la première fois avec une addictologue. « J’ai eu un déclic, j’ai réalisé que j’étais addict ! Et que j’étais très mal informé de tous les effets sur ma santé et ma vie ».
Il commence alors un plan d’action précis financé à la fois par l’entreprise et la mutuelle : réunions en groupe, une fois par semaine pendant un mois, puis une fois par mois, séances de sophrologie et de diététique, prescription de patchs… Malgré des moments très durs et quelques nuits blanches, le dessinateur industriel tient bon : « les réunions de groupe m’ont beaucoup apporté, je n’avais pas envie de craquer le premier ! ». Le fait de suivre un plan de sevrage sur son lieu de travail, entre midi et deux, rend également la démarche moins ardue que s’il fallait se déplacer jusqu’à un hôpital, prendre un rendez-vous, trouver un créneau horaire… « On m’a apporté le programme sur un plateau », reconnait-il. « Mais ce qui m’a énormément aidé à tenir c’était de voir au quotidien des collègues qui sont dans le même cas que le mien, de pouvoir parler de nos difficultés, de se soutenir au moment de la pause clope, ou de se dépanner d’un patch », explique-t-il.
Comme Guillaume Rocheron, « de plus en plus de salariés arrêtent de fumer par le biais de leur emploi, même si pour le moment, en France, cela concerne surtout de grands groupes, voire de grosses PME. C’est beaucoup plus rare dans les TPE », relativise le docteur Éric Duteil, médecin tabacologue.
Par souci pour leur santé mais aussi pour des raisons de productivité et d’économies.
Selon une étude de l’université de l’Ohio, un fumeur entrainerait un surcoût de 4600€ par an à son employeur en raison du nombre de jours d’absence maladie et du temps passé en pause cigarette. Avec 8 pauses de 10 minutes en moyenne, ce sont 80 minutes quotidiennes qui partent en fumée, bien au-delà du temps légal de pause, de 20 minutes par jour. Sans compter les méfaits du tabagisme passif pour les salariés non-fumeurs. « Certes, mettre en place un programme d’arrêt du tabac représente un investissement important », poursuit le docteur Duteil. « Mais il devient rentable pour l’entreprise au bout de deux à trois ans, car le surcoût engendré par les fumeurs diminue d’année en année », assure le docteur Duteil. D’autant plus que les programmes effectués de façon collective en entreprise ont des résultats bien supérieurs aux méthodes individuelles (respectivement 45 à 55% de réussite contre 15% à 30%).
Safran, qui a lancé différentes actions sur ses sites de Toulouse, Colomiers et Blagnac a pu en voir les résultats : cinq mois après le début d’une opération baptisée O2, sur le site de Safran Aircelle à Colomiers, 55% des participants ont arrêté de fumer. La clé du succès d’O2 ? Un programme complet visant à remplacer le temps passé à fumer en moment sportif. « Des tabacologues sont intervenus mais aussi des conseillers sportifs, ils ont donné des séances de groupe dans une salle de sport, créée pour l’occasion, et ont proposé un programme d’activités physiques adaptées. Sans oublier le yoga, le karaté, l’ostéopathie… », explique Carole Viché, conseillère prévention santé à la mutuelle Mutaéro, qui a participé au programme O2. Pour diminuer la frustration due à l’arrêt du tabac et troquer la pause cigarette par un moment de détente, d’autres entreprises ont eu recours à l’installation d’un baby-foot ou à un abonnement à des journaux et magazines. « Plus l’entreprise investit en moyens financiers et humains, plus les résultats sont importants », pointe du doigt le docteur Duteil.
// Par Maylis Jean-Préau
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