FUTUR – Calcul, fabrication, stockage d’informations, nous confions de plus en plus de tâches humaines à des ordinateurs ou des robots. Et depuis les années 1960, des chercheurs tentent de modéliser et reproduire nos fonctions cérébrales avec l’intelligence artificielle. Pour Jean-Gabriel Ganascia, expert à l’Observatoire B2V des mémoires, cela pose des questions éthiques.
A Health BlogAugmenter les capacités de mémorisation de notre cerveau par des puces ou des implants comme nous pouvons déjà booster nos ordinateurs, l’idée peut paraître séduisante. Elle suscite en tout cas l’intérêt de plusieurs chercheurs, institutions et entreprises. La DARPA, l’agence de recherche de l’armée américaine, travaille par exemple à développer un dispositif implantable qui permettrait de soigner les troubles de la mémoire par stimulation neuronale.
Jean-Gabriel Ganascia rappelle que greffer des puces dans le corps pour activer des parties de notre cerveau est déjà une pratique courante. « Dans les années 1980, le professeur Benabid a mis au point la stimulation cérébrale profonde. Cela consiste à placer des électrodes dans le cerveau du malade. Un boîtier à pile, lui aussi placé dans le corps, envoie des impulsions électriques dans les zones endommagées, ce qui atténue les symptômes de tremblement de la maladie de Parkinson ou de la dépression », explique-t-il.
Le milliardaire américain Elon Musk compte aller plus loin. Après avoir créé PayPal, le système de paiement en ligne, SpaceX un lanceur destiné à coloniser Mars, il a développé le système Neuralink dont le but est d’utiliser l’intelligence artificielle pour augmenter nos cerveaux. Il souhaite installer directement dans le cerveau humain un appareil électronique connecté. Avec pour objectif d’améliorer notre mémoire, voire d’interagir directement avec des appareils électroniques, sans passer par les interfaces traditionnelles.
Se passera-t-on donc, d’ici quelques années, de l’exercice contraignant de mémorisation ? Pour y répondre, Jean-Gabriel Ganascia distingue deux types de mémoires : collective et individuelle. Stocker des informations au-delà des capacités du cerveau humain ne date pas de l’arrivée des premiers ordinateurs. « C’est ce que font par exemple les bibliothèques. Ce sont des outils de mémoire d’organisation, qui permettent de retrouver les connaissances de façon collective », explique Jean-Gabriel Ganascia. Dans cette continuité, les technologies de l’information et de la communication et notamment Internet permettent aujourd’hui un accès illimité et quasi instantané à la connaissance. Or, selon Jean-Gabriel Ganascia, aucune étude ne permet d’affirmer que ces outils amoindrissent nos capacités à mobiliser notre mémoire.
Faire intervenir l’intelligence artificielle dans le domaine de la mémoire individuelle pose davantage de questions. « Nous ignorons la façon dont les informations sont codées dans notre cerveau, ainsi que celle dont fonctionne la mémoire », soulève l’expert, pour qui la perspective d’un homme augmenté pose également des interrogations éthiques. « L’idée développée par Elon Musk signifie que l’on pourrait faire parvenir à notre cerveau des informations sans que cela passe par notre conscience. Ce serait un outil potentiel d’endoctrinement des populations. Mais selon moi, cela relève encore de la science-fiction ».
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