CHAMPIGNON. « Si, pour sauver des vies, il faut être impopulaire, j’accepte de l’être ». En présentant son grand plan de sécurité routière en ce début du mois de janvier, le Premier ministre Édouard Philippe savait que l’une des mesures phares allait particulièrement diviser les conducteurs : la limite de vitesse ramenée à 80 km/h sur les départementales et nationales sans terre-plein central. Bernard Ladevèze, directeur régional de l’association Prévention Routière, et Michel Ribet, président de l’Automobile Club du Midi, débattent du sujet pour le JT. – Thomas Gourdin
© Franck AlixBernard Ladevèze : Bonne. Ces routes, qui représentent 400 000 kilomètres de réseau, concentrent deux tiers des accidents mortels. Et une vitesse réduite diminue logiquement la violence des chocs. Il faut désormais une acceptation collective de cette mesure. En France, il y a besoin d’imposer des cadres. Pourtant, bien que chacun aime rouler à son rythme et ne pas avoir l’impression d’être contraint, on se rend compte que la vitesse moyenne est de 82 km/h.
Michel Ribet : Mauvaise. La première cause d’accident mortel est la somnolence. La vitesse n’arrive qu’en troisième position, derrière l’alcool. Sur certains tronçons, les conducteurs réduisent d’eux-mêmes la vitesse, en dessous des 80 km/h si nécessaire. En revanche, dans les longues lignes droites, le risque est une perte de vigilance. Cette mesure nous semble donc avant tout fiscale. Ce sentiment est renforcé par cette champignonnière de radars qui éclot dans toute la France.
Bernard Ladevèze : Toutes les grandes campagnes de sécurité routière ont entraîné une baisse significative du nombre de morts sur les routes : en 1972 avec l’instauration des premières limites de vitesse, en 1978 avec celle du taux d’alcoolémie maximum, en 1990 avec le passage à 50 km/h en ville, et en 2002 avec l’arrivée des radars automatiques. Alors que l’on constate une recrudescence des accidents mortels depuis quelques années, il était en effet important d’agir.
Michel Ribet : Les conducteurs sont globalement bien plus responsables, mais nous sommes arrivés au bout du système en raison du nombre toujours grandissant de véhicules sur les routes. Cependant, il aurait fallu mieux évaluer l’impact d’une baisse de la limitation de vitesse. Les tests effectués sur quelques dizaines de kilomètres (sur la RN57 en Haute-Saône, ndlr) ne sont pas significatifs et leurs résultats n’ont d’ailleurs pas été communiqués. Il faudrait mener une expérience à plus grande échelle, en prenant en compte tous les contextes : tracés sinueux, climat, zones de plaine ou de montagne, lignes droites… Comment peut-on envisager une limite de vitesse unique pour 400 000 kilomètres de routes aux caractéristiques si différentes ?
Bernard Ladevèze : Le plan gouvernemental inclut d’autres mesures moins médiatisées mais tout aussi efficaces comme une meilleure protection des piétons ou l’obligation d’équiper son véhicule d’un éthylotest antidémarrage pour les récidivistes de la conduite en état d’ivresse. Le téléphone est l’autre enjeu. On sait très bien que, même avec un kit mains libres, l’attention est diminuée lorsque l’on est en communication. Il faut faire accepter la déconnexion au volant.
Michel Ribet : Il faut améliorer la visibilité et davantage protéger les publics vulnérables que sont les piétons et l’ensemble des deux-roues, en imposant le port du gilet jaune par exemple. Mais c’est surtout l’arrivée de la voiture connectée qui apporte de réelles perspectives. Elle va permettre d’effacer les dépassements de ligne blanche, les feux rouges grillés, les non-respects des distances de sécurité… Ces technologies ont déjà offert un gain de sécurité dans l’aviation, il en sera de même sur les routes.
Bernard Ladevèze
Directeur régional de la Prévention Routière, association reconnue d’utilité publique qui œuvre pour diminuer les accidents et éduquer les conducteurs.Michel Ribet
Président de l’Automobile Club du Midi, association qui défend l’intérêt des automobilistes et compte plusieurs milliers d’adhérents dans la région.
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