Laboratoire d’idées composé de bénévoles issus de la société civile, le Codev de Toulouse organise régulièrement des cafés-débats pour impliquer les habitants quant aux enjeux de développement de la métropole. Comme ce jeudi soir au café Le Papagayo, l’instance cherche toujours les moyens d’améliorer la représentation citoyenne.
Deux salles, deux ambiances. Ce jeudi soir, au Papagayo, bistrot situé à côté de l’université de Toulouse 1 Capitole, tandis que les étudiants sirotent leurs boissons, au sous-sol se prépare un café-débat élaboré par le Conseil de développement de Toulouse Métropole (Codev). Le thème : “Géopolitique locale de la Métropole : Toulouse contre ou avec sa périphérie ?”. Et visiblement, les organisateurs ont vu juste en termes d’espace tant la pièce est rapidement bondée. À croire que le goût du débat est dans l’air du temps, malgré l’impopularité du Grand débat national souhaité par Emmanuel Macron.
D’ailleurs, le Codev a un temps pensé à inscrire l’événement sur la plateforme. Avant de renoncer, « faute d’unanimité sur le bien fondé de la démarche », confie François Saint-Pierre, membre actif de cette structure émanant de la loi Voynet de 1999. Destinés à mettre de la démocratie participative dans les territoires, les Codev sont présents dans chaque intercommunalité de plus de 20 000 habitants.
« Nous ne voulons pas être une chambre déconnectée de la population »
Surtout, cette assemblée, qui regroupe plus de 200 membres bénévoles représentants de la société civile, n’a pas attendu le Grand débat national pour tenter d’associer les citoyens à sa réflexion. « Le rôle des Codev est de proposer une vision à moyen et long terme susceptible d’éclairer les prises de décisions. Mais à Toulouse, cela fait plus d’un an que nous allons au-delà de ces missions en organisant des cafés-débats. Nous ne voulons pas être une chambre déconnectée de la population », explique François Saint-Pierre.
Le débat du soir est introduit par Laure Ortiz, professeur en droit public à Sciences-Po Toulouse. Au bout d’une dizaine de minutes, la chercheuse est gentiment invitée à écourter sa présentation des problématiques afin que tout le monde puisse prendre la parole. En dépit du brouhaha émanant de la salle au-dessus, la discussion débute timidement jusqu’à ce qu’un habitant de Portet-sur-Garonne, pointant du doigt l’incongruité du fait que sa commune ne fasse pas partie de Toulouse Métropole, ne déride l’assemblée : « A un moment donné, il faut faire tomber les casquettes, on est tous des Gilets jaunes ! », tonne-t-il, sourire aux lèvres.
« Il faut faire tomber les casquettes, on est tous des Gilets jaunes ! »
Frédéric Caméo-Ponz, vice-président du Codev, veille à la bonne circulation de la parole tandis que Pierre Lefevre, son coordinateur, note sur un ordinateur portable chacune des interventions. Même si certains participants n’ont pas l’habitude de s’exprimer en public, citoyens et élus, présents en nombre à peu près égal, ont le droit à la même écoute attentive. Chacun met en commun sa propre expérience du sujet. Un étudiant, venu avec un groupe d’amis, s’avance à son tour et expose avec assurance ses arguments.
À mi-débat, Pierre Lefevre s’engage dans une tâche ardue : résumer tout ce qui vient d’être dit afin de relancer la discussion. Exploit applaudi par l’assemblée. Les interventions reprennent et glissent inexorablement vers la notion même de démocratie participative. « Il n’y a qu’à regarder les profils au Codev : des hommes, de plus de 60 ans, CSP +, bac +5… Nous ne sommes pas représentatifs », s’emporte un de ses membres. Un souci partagé au sein de l’institution, qui réfléchit à des outils comme le tirage au sort pour améliorer la situation. « En réalité, tout le monde peut nous rejoindre. Il suffit d’en avoir envie mais aussi d’avoir du temps, ce n’est pas toujours évident », précise Pierre Lefevre.
Mais si le Codev manque de reconnaissance auprès de la population, c’est aussi de la responsabilité des élus, un peu trop enclins à s’approprier la paternité de décisions émanant pourtant de ses travaux. Comme ce fut le cas pour le Small business act, mis en place par Jean-Luc Moudenc pour favoriser l’accès des PME aux marchés publics, sans mentionner le Codev. « Cela peut agacer mais c’est également notre rôle de poser des idées sur la table qui vont mûrir et être reprises en oubliant d’où elles viennent », relativise Pierre Lefevre.
Une fois la soirée terminée, ce dernier doit encore élaborer un texte synthétisant la teneur des échanges qui sera, pour le coup, transmis aux organisateurs du Grand débat national. Que retenir de cette discussion décousue, dont aucune proposition concrète ne semble être véritablement ressortie ? « C’est rarement le cas et ce n’est pas l’essentiel. Le but est surtout de rentrer dans la complexité d’un sujet en évitant les caricatures de chaque côté. Et aussi de faire bouger les élus. Les comptes-rendus leur sont toujours soumis et mine de rien, ils sont attentifs aux critiques et questions que nous faisons remonter. Ils ont conscience du rejet dont ils font l’objet », analyse le coordinateur.
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