Figure de l’autorité, distant et insensible, le père traditionnel se devait d’être infaillible. Mais les temps ont changé ! Des premières visites chez le gynéco ou chez le pédiatre en passant par la salle de travail ou la table à langer, les papas d’aujourd’hui s’impliquent de plus en plus dans la parentalité. Cependant, il n’est pas toujours aisé d’y trouver sa place. Le JT s’est glissé dans la peau d’un papa poule.
« Il y a encore 40 ans, dans un foyer, le père était en position de suprématie, tant au niveau juridique qu’économique », rappelle Agnès Martial, directrice de recherche au CNRS, anthropologue spécialiste des rapports de genre et de la parentalité contemporaine. « Pourvoyeur de revenus et garant de l’autorité jusque là, il voit désormais évoluer les attentes sociales le concernant », note-t-elle, identifiant-là le résultat de politiques publiques menées depuis le début du XXIe siècle. « La promotion des valeurs d’égalité de genre au sein de la famille est la principale raison de ce bouleversement des mentalités », affirme l’anthropologue.
Un changement de statut social que revendiquent les hommes eux-mêmes. Selon l’enquête ‘’Être père aujourd’hui’’, réalisée par l’Union nationale des associations familiales (Unaf) en 2016, plus de 85 % des pères interrogés avouent élever leurs enfants différemment de l’éducation que leur a donné leur propre père, en invoquant essentiellement « la volonté d’être davantage présents et investis auprès d’eux ».
Pourtant, si des résolutions semblent être prises, la réalité peine à les refléter. « Plusieurs travaux quantitatifs montrent que, si l’implication des pères a augmenté en termes de temps passé avec eux – il a doublé entre 1985 et 2010 –, les femmes en consacrent toujours plus à leurs enfants : 91 minutes par jour contre 41 pour les pères », observe Jean-Philippe Vallat, directeur des études de l’Unaf. La moitié des personnes interrogées justifient ce chiffre par le manque de temps.
Alors, pour donner plus de temps aux pères, et surtout qu’ils le consacrent à leurs enfants, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), sous la commande du Premier ministre Édouard Philippe, a rendu un rapport préconisant l’allongement du congé paternité à trois, voire quatre semaines, contre 11 jours aujourd’hui. Mais tous n’en profitent pas. Seuls sept pères sur dix décident de le poser selon les dernières données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Mais le manque de temps n’est pas la seule explication. Jean-Philippe Vallat constate que « la répartition des tâches parentales ne change pas les jours de congé : les pères n’en prennent pas davantage à leur compte lorsqu’ils ne travaillent pas ».
« Notre société formule un idéal mais ne se donne pas les moyens d’y parvenir », explique Agnès Martial faisant référence à la difficulté des pères d’allier vie familiale et vie professionnelle. Ce qui reste, soit dit en passant, une problématique commune aux hommes comme aux femmes. La différence réside, selon l’anthropologue, dans les éléments constituant de l’identité masculine : « Encore aujourd’hui, il est plus compliqué pour un père d’aménager son temps de travail car l’accomplissement professionnel reste une part prépondérante de ce qui le définit en tant qu’homme. »
Ainsi, chercheurs et observateurs s’accordent sur une évolution du statut paternel vers un investissement plus important mais nuancent cependant quant à la traduction dans les tâches quotidiennes liées à la parentalité.
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