Le congé parental permet de faire connaissance avec son nouveau-né, mais également de favoriser la répartition des tâches éducatives et domestiques. Antoine Math, chercheur à l’Ires, l’Institut de recherches économiques et sociales, nous propose un tour d’horizon des congés dédiés aux pères chez nos voisins.
Pourquoi un congé paternité ?
Au départ, le congé parental en général est une avancée du droit du travail. C’est la garantie, pour les salariés qui interrompent leur activité afin de s’occuper d’un jeune enfant, de ne pas être licencié. Créé en 1977, il est d’abord réservé aux mères puis étendu aux pères en 1984. Le problème c’est que même s’ils sont formellement accessibles aux pères, ce sont les mères qui les prennent à 95%. Or, c’est lors de ces congés que se met en place la répartition de la charge domestique et parentale qui aboutira, souvent, à cette fameuse double-journée qui entrave la trajectoire professionnelle des femmes. L’enjeu fondamental est qu’ils soient également partagés et ne restent pas l’apanage des mères pour neutraliser les inégalités entre hommes et femmes sur le marché du travail comme dans la sphère privée.
Qu’elle est la situation en France ?
C’est seulement en 2002 qu’apparaît le congé paternité : un arrêt non obligatoire de 11 jours assorti d’une indemnisation de salaire payée par la Sécurité sociale et qui doit être pris dans les quatre mois suivant la naissance. C’est un succès immédiat. Très vite, 70% des pères en prennent la totalité.
Pourquoi les pères ne prennent-ils pratiquement pas les congés parentaux ?
C’est une question de représentation, mais surtout d’attractivité. Dans les études qui ont été menées, on constate que des congés parentaux, trop longs ou peu incitatifs financièrement, sont en général pris par les mères car ce sont elles qui ont les emplois les plus fragiles et les moins bien rémunérés. C’est un cercle vicieux car cela les éloigne d’autant plus de l’emploi.
Faut-il les rendre obligatoires ?
Rendre les congés paternité obligatoires, comme c’est déjà en partie le cas pour le congé maternité, n’est pas une perte de liberté pour les bénéficiaires. C’est un impératif qui pèse sur les employeurs ! Le Portugal et la Belgique on fait ce choix volontariste pour transformer les stéréotypes et, surtout, faire en sorte que le risque d’avoir un enfant n’influe pas que sur les femmes au niveau professionnel. Mais il est également important de rendre ces congés attractifs. Il faut qu’ils soient bien rémunérés pour éviter que ce soit la mère, en général plus fragile économiquement, qui le prenne systématiquement. C’est le cas en Allemagne ou en Suède, où les hommes le prennent massivement.
Onze jours, est-ce suffisant ?
En France, les effets sont peu significatifs car une quinzaine de jours n’est pas une durée suffisante pour modifier des habitudes et des représentations. Mais il suffit d’allonger le congé dédié aux pères à un mois, comme l’a fait la Norvège en 1995, pour observer des effets bénéfiques. Quinze ans après la mise en place de cette mesure, des études ont montré une meilleure répartition des tâches domestiques et éducatives dès l’année de son entrée en vigueur. Il faut accroitre le congé réservé aux pères et raccourcir celui pour les mères afin de ne pas nuire à leur vie professionnelle. C’est ce qu’a fait l’Allemagne en 2007, provoquant un rebond du retour à l’emploi chez les mères.
Antoine Math : Économiste de formation, il a travaillé comme chercheur auprès de la Cnaf (Caisse nationale des Allocations familiales) et en tant qu’expert auprès de la Commission européenne. Depuis 15 ans, il est chercheur à l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales) et membre du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge.
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