Si, pour une femme, la grossesse permet d’appréhender plus facilement la parentalité, pour les futurs papas, le concept reste abstrait jusqu’à la naissance. Durant cette période, bébé se prépare à commencer sa vie, tout comme son père et sa mère se préparent à débuter la leur en tant que parents.
61 % des papas prennent conscience de leur nouveau statut une fois que bébé a pointé le bout de son nez, selon l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Mais c’est bien avant, pendant la grossesse, qu’ils peuvent commencer à en prendre la mesure. « C’est plus difficile pour eux car tout se passe à l’intérieur, tout est encore concept. Il ne s’agit pour eux que d’imagination, rien n’est palpable », explique Laetitia Leleu, sage-femme à l’hôpital Paule-de-Viguier.
Quelques-uns arpentent d’ailleurs les couloirs blancs de la maternité. Devant les salles de consultation, certains semblent perdus, s’assoient sur une chaise, puis sur une autre, alors que la future maman se fait ausculter. D’autres font les cent pas pendant que leur conjointe effectue un test urinaire. Ou patientent tranquillement, l’air détaché. Un peu comme s’ils n’étaient pas à leur place. Pourtant, c’est durant la grossesse qu’ils commencent à construire leur parentalité à venir.
« Les cours de préparation à l’accouchement sont un excellent exercice pour prendre la dimension du changement de vie », conseille Laetitia Leleu, qui note que, depuis une quinzaine d’années, les futurs pères sont beaucoup plus présents aux côtés de leur femme lors de ses séances. Elle les incite à y participer en précisant, pour les plus réticents, que sur les huit cours dispensés, deux sont réellement importants. Et pour les aider à prendre leur place auprès du bébé, elle pratique la palpation. « Je pose leurs mains sur le ventre de la mère et appuie, parfois assez fort, pour qu’ils touchent du bout des doigts la tête, les fesses ou les pieds de leur enfant », décrit-elle. La plupart du temps, les pères sont à la fois effrayés, troublés… et tellement heureux d’avoir établi un contact avec leur bébé. Papa est là !
Pourtant, ce sont des questions plus pragmatiques qui les préoccupent. « Quand faut-il partir pour la maternité ? » « Que dois-je faire pour soulager ma compagne quand elle a une contraction ? » Car leur rôle, avant l’accouchement, est principalement le soutien à la future mère. « Ils se sentent responsables de cette partie du processus », s’amuse la sage-femme. Ce que confirme Olivier, encore sous l’émotion. Et pour cause. Son épouse Nil vient de donner naissance, il y a quelques heures, à une petite Lina. « On se sent inutile pendant la grossesse, comme pendant l’accouchement. Pourtant, je voulais être actif », lance-t-il, groggy. Il s’est alors occupé de l’administratif, et surtout de soutenir Nil qui a choisi d’accoucher sans péridurale. « Nous avons répété les postures apprises en cours de préparation à la naissance pour soulager la douleur, utiliser des boules de yoga », se rappelle-t-il. Et si tout cela n’a finalement pas servi, Lina étant arrivée très vite, ces exercices ont au moins contribué à les rassurer et ont permis à Olivier de savoir quoi faire.
C’est donc en tant que soutien, qu’il soit moral ou physique, que les futurs pères ont un rôle à jouer. C’est ce qu’avance Julien Jamais, sage-femme au service des grossesses pathologiques. « Dans notre unité tout particulièrement, les mamans ont besoin de savoir que le papa est là. D’abord au niveau psychologique, car elles viennent de passer brutalement d’une grossesse normale à pathologique. Ensuite, au niveau physique, car savoir que le père peut prendre la relève sur les changes ou les biberons permet de mieux récupérer après l’accouchement », précise-t-il.
Alors, quand l’un d’entre eux est trouvé affalé sur un fauteuil pendant que la mère souffre à ses côtés, il arrive que le personnel soignant prenne un ton directif : « Tout en ménageant les susceptibilités de chacun, nous tentons de faire comprendre au papa que sa femme a besoin de lui, devant elle si nécessaire. » D’autres, au contraire, sont un peu trop intrusifs. Et si Julien pense tout bas « ce n’est pas vous qui êtes enceinte ! », c’est un « vous allez inquiéter votre femme ! », qui vient remettre chacun à sa place.
Difficile de se positionner, « surtout lorsqu’on se sent impuissant », avoue Olivier, dont les bras bercent encore la petite Lina. D’autant que, « pendant l’hospitalisation de la maman, le papa lui, travaille, gère les aînés s’il ne s’agit pas du premier enfant… », précise Julien Jamais, lui-même jeune papa. Lui qui s’est trouvé des deux côtés des étriers concède : « Les pères sont mis à l’écart par le protocole d’accouchement, ils sont là pour épauler la mère, et c’est tout ce qu’ils peuvent faire ! » Mais c’est déjà un premier pas pour construire un foyer solide et prendre leur place dans la famille.
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