LATRINES. Les excréments sont une affaire sérieuse. Et pour répondre aux problématiques environnementales et sociétales qu’ils soulèvent, il faut oser en parler. C’est ce à quoi s’emploie Didier Bourrut Lacouture, un des administrateurs de l’association Terr’Eau, qui sensibilise à l’assainissement écologique.
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«Il y a encore beaucoup d’adultes chez qui je remarque de la gène et des rires dès que l’on parle d’excréments, alors que c’est un sujet dont il devrait être normal de parler» explique Didier Bourrut Lacouture, un des co-administrateurs de Terr’Eau. Depuis 2007, cette association sensibilise le grand public à l’assainissement écologique. La structure explique, par exemple, le fonctionnement des toilettes sèches ou du compostage. Autrement dit, ses membres n’ont aucune gêne à parler d’excréments, de selles, de fèces ou de caca.
«Le tabou existe sans doute depuis la découverte des microbes par Pasteur. Nous les avons associés à la maladie. Aujourd’hui, nous avons peur du sale, alors que parmi les millions de microbes qui vivent dans nos organismes la majorité sont bénéfiques» raconte Didier Bourrut Lacouture. Selon lui, les contaminations se transmettent en général par le lien anus-main-bouche. Il est donc plus important de se laver les mains en sortant des toilettes que d’utiliser de l’eau propre pour évacuer nos selles. «Nous devons accorder aux toilettes sèches toute la considération qu’elles méritent. Il faut prendre conscience que l’eau potabilisée peut être chargée en résidus médicamenteux, voire contaminée par nos déjections.»
Une des délicates missions de l’association consiste donc à parler de ce dont on parle difficilement. Et les jeunes se prendraient plus facilement au jeu de la discussion : «Avec eux, si le stimulus du dégout est fort au premier abord, il disparaît vite. Alors que les adultes résistent davantage au changement». Une manière efficace d’intéresser les personnes indisposées par le sujet serait « d’aborder la question de manière ludique et détendue». Pour cela, Terr’Eau a développé des outils : des films, des questionnaires, des activités. Les animateurs proposent notamment un jeu : observer et classer des bocaux contenant différentes matières. «Le public ne pense pas qu’il joue avec des boîtes où se trouvent, entre autres, des excréments compostés. Dans le feu de l’action, les participants oublient le thème de l’assainissement écologique, pourtant largement présent sur le stand de notre association. Au final, ils changent par eux-mêmes leur regard sur la gestion du caca» ajoute Didier Bourrut Lacouture.
Dans les années 1950, Piero Manzoni, un artiste italien, imagina une œuvre originale : La Merda d’Artista. Il aurait ainsi placé ses propres excréments dans des boîtes de conserve. En la faisant passer dans le domaine de l’art, il a pu vendre cette matière tant rejetée plusieurs dizaines de milliers de dollars. Alors l’art peut-il être un moyen de banaliser cette thématique ? Didier Bourrut Lacouture ne semble pas réfractaire à l’idée : «Tout ce qui peut détendre sur le sujet est bon à prendre ».
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