L’Europe et nous
Si les isoloirs sont vides, c’est que le scrutin ne passionne pas les foules. Les élections européennes sont, de longue date, boudées par les Français, qui n’en perçoivent guère les enjeux. Faute d’information, ou à cause de fausses informations. Or, en creusant le sujet, on s’aperçoit de l’omniprésence de l’Europe et de la place qu’elle occupe dans notre quotidien. Cette semaine, le JT a fait le tour du Vieux continent, sans quitter la région.
Alors que depuis 2004, le scrutin européen en France était découpé en huit grandes circonscriptions interrégionales, le 26 mai prochain, les électeurs auront cette fois à départager des listes nationales. Une nouvelle organisation qui avait pour but d’intéresser à nouveau les Français aux enjeux européens. En vain, les Européennes restent l’échéance la moins mobilisatrice en France.
Ses défenseurs rappellent que c’est aussi la plus jeune. Cela ne fait que 40 ans que l’on vote pour élire nos parlementaires, depuis 1979, date à laquelle tout avait pourtant bien commencé avec une participation, toujours record à ce jour, de 60 %. « Il y avait l’effet de la nouveauté, mais également un investissement très fort notamment de la part du président de la République, Valéry Giscard d’Estaing », raconte Olivier Costa, directeur de recherche CNRS au sein du centre Émile Durkheim à l’Institut d’études politique de Bordeaux.
Un test de popularité nationale
Dès le scrutin suivant pourtant, le déclin s’amorce. « Les campagnes ont été détournées pour servir de présidentielles du pauvre. Les partis testent leur popularité à contretemps des élections nationales et les médias s’y intéressent très peu », souligne le spécialiste. S’ancre alors l’idée d’élections nationales de second ordre. En 1984 déjà, seuls 29 % des Français déclaraient se décider en fonction des problèmes européens.
« Les campagnes ont été détournées pour servir de présidentielles du pauvre »
Pour expliquer cette désaffection, le chercheur avance trois facteurs, valables quelles que soient les élections. D’abord, la compréhension du scrutin rendue difficile par la complexité des institutions européennes. Ensuite, l’urgence des enjeux : « Plus on perçoit les impacts immédiats de son vote, comme aux présidentielles ou aux municipales, plus on s’implique. Or, l’Europe paraît loin. » Enfin, l’intensité de la campagne : « Il suffit de constater le peu de tracts que nous recevons dans nos boîtes aux lettres. Les partis sortent leurs programmes très tard et dépensent très peu d’argent », assure Olivier Costa.
Le paradoxe européen
L’Europe est aussi l’objet de paradoxes curieux. Le thème, en tant que tel, est devenu central dans le débat politique. Il n’en a jamais été autant question… sauf à l’occasion des élections qui lui sont consacrées, où les préoccupations hexagonales prennent le dessus. Plusieurs partis appelant par exemple cette année à un « référendum anti-Macron ». « Cela s’explique par le fait que, dans les partis traditionnels que sont Les Républicains ou le Parti socialiste, il y a toujours eu des dissensions internes sur l’Europe », analyse le politologue.
« Les scrutins pour lesquels la participation ne dépasse jamais les 50 % ne sont plus rares »
Selon lui pourtant, le cas des Européennes n’est pas si catastrophique. « Le taux de participation de 2014 est semblable à celui du second tour des dernières législatives (43%). De même, les scrutins pour lesquels le nombre de votants ne dépasse jamais les 50 % ne sont plus rares dans les démocraties occidentales. Il faut prendre la question de la mobilisation citoyenne dans son ensemble et arrêter de dramatiser », estime-t-il.
Pas de fatalisme, donc. D’autant que les parlementaires continentaux ne cessent de voir leur pouvoir s’accroître et que leurs décisions ont toujours plus d’impact sur nos vies.