Restrictions. Les temps sont durs pour les communes, qui subissent une baisse des dotations de l’Etat sans précédent. En Haute-Garonne, petites, moyennes et grandes communes s’inquiètent. Qu’elles soient de gauche ou de droite. Comment vont-elles faire face ?
Par Coralie Bombail et Thomas Simonian
28 milliards entre 2015 et 2017. C’est l’effort demandé aux communes françaises par le gouvernement. L’association des maires de France (AMF) tente bien de se rebiffer contre cette mesure drastique, mais les négociations avec Manuel Valls sont rudes… Jean-Louis Puissegur, président de l’AMF 31, vice-président au niveau national et maire de la petite commune de Pointis-Inard, confirme que la pilule passe mal : « Nous étions d’accord avec une baisse des dotations pour participer à la résorption des déficits publics mais pas à cette hauteur là et ni dans ce délai, une baisse aussi importante sur trois ans c’est brutal ! » s’exclame-t-il. Selon lui, cela va forcément avoir des répercussions sur « le fonctionnement et les investissements » des mairies, qui ne sont pas toutes logées à la même enseigne : « Pour les petites communes, qui ont peu d’habitants et de commerces, la dotation générale des services représente 50 à 60% de leur budget, donc elles vont être davantage impactées ». Même son de cloche du côté de Pouze (une petite centaine d’âmes) et de son maire Pierre Lattard : « J’ai une baisse d’environ 3% sur mon budget. J’ai équilibré ma partie fonctionnement, mais je n’ai pas pu dégager de l’investissement. Au lieu de faire un mur, on va boucher les trous du mur … » Le maire de cette petite commune située sur le territoire du Sicoval avoue déjà mutualiser du personnel et du matériel avec deux autres communes : « Mon opinion est que l’État veut tuer les petites communes et favoriser les regroupements. Comme il ne peut pas le faire politiquement, il le fait économiquement », s’inquiète l’édile qui ajoute d’ailleurs que cette crise touche tous les étages de la fusée, « au Sicoval on ne sait pas comment nous allons pouvoir finaliser le budget, et au Conseil général il y a un vrai retard sur les subventions accordées aux communes. »
« L’Etat veut tuer les petites communes et favoriser les regroupements »
A Pointis-Inard, le maire s’estime néanmoins plutôt bien loti « car nous avons beaucoup d’appartements locatifs communaux, mais c’est très rare ». La dotation générale des services y représente alors 20% du budget, les recettes directes, 20% et la fiscalité 60%. « Dans les grandes villes, cette dotation correspond à environ 10% de leur budget, donc ce n’est pas une affaire d’Etat ! » Mais à la mairie de Toulouse, on ne l’entend pas de cette oreille. Alors que le débat d’orientation budgétaire a commencé au dernier conseil municipal en date du 6 mars, la municipalité annonce depuis plusieurs mois des mesures d’économies. «La baisse des dotations de l’État représente 12 millions d’euros par an pendant trois ans », précise Sacha Briand, adjoint au maire en charge des finances, « sur un budget total de 650 millions, ça peut paraître une goutte d’eau mais si l’on cumule sur le mandat, cela représente 240 millions de perte ». Ce à quoi, il ajoute Toulouse Métropole également impactée, « à hauteur de 14 millions chaque année ». Au total, la métropole et la ville vont perdre « 510 millions d’euros sur le mandat ». Face à cela, les municipalités vont devoir réagir, en fonction des particularités de leurs communes et de leur sensibilité politique… Mais les marges de manœuvres sont délicates : « Augmenter les impôts, ce n’est jamais souhaitable et pour les petites communes qui ont une base fiscale faible, cela ne changera rien », remarque Jean-Louis Puissegur. Quant aux dépenses de fonctionnement, « elles sont très difficiles à réduire, la masse salariale est pérenne dans une commune », et baisser les investissements « revient à dégrader les équipements et pénalise l’emploi ». Bref, il n’y a pas de bonnes solutions, pour le président de l’AMF 31, qui milite pour un étalement de la baisse des dotations de l’Etat. À Toulouse, les choix sont clairement politiques : « Tous les secteurs ont été mis à contribution, mise à part la sécurité car nous avons doublé les effectifs conformément à notre promesse de campagne. » Une décision largement déplorée par l’opposition municipale : « La sécurité est une compétence régalienne de l’Etat et non de la mairie, dans un même temps, la majorité annonce des économies dans le secteur éducatif, qui lui est une compétence municipale ! » signale Joël Carreiras, élu socialiste de l’opposition et ancien adjoint aux finances. « La tranquillité publique dépend de la mairie », rétorque Sacha Briand et « Jean-Luc Moudenc a affirmé sa volonté de construction de nouveaux groupes scolaires jusqu’à la fin du mandat ». Les esprits s’échauffent. Le débat dépasse la technique comptable.
« L’Etat veut tuer les petites communes et favoriser les regroupements »
« L’arithmétique n’est ni de droite ni de gauche mais les choix de gestion sont politiques », estime Jean-Claude Valade, adjoint au maire en charge des Finances à Portet-sur-Garonne. Dans cette commune de 9500 habitants, « nous allons réaliser des économies sur « les charges à caractère général, type gaz et électricité, et nous allons essayer de stabiliser les effectifs du personnel en réfléchissant à une meilleure répartition des postes ». En revanche, « la qualité des services publics sera préservée, et ça c’est une ligne politique claire ». Un exercice complexe à réaliser en pratique, « c’est un travail dans la dentelle et pas au scalpel » lance Sacha Briand, pour illustrer sa stratégie. Outre la question de la baisse des dotations de l’État, les mairies doivent faire face à des réformes qui viennent plomber toujours plus leurs marges de manœuvres : « Il faut également parler de la question des rythmes scolaires qui coûte 200 000 euros par an à notre commune. Les élus ne peuvent plus faire avancer de projets, ils n’en ont plus les moyens », regrette Raphaël Quessada, élu à Auzeville-Tolosane. Les mairies vont-elles pouvoir continuer à investir ? La question est donc aujourd’hui clairement posée.
« C’est un travail dans la dentelle et pas au scalpel »
« L’arithmétique n’est ni de droite ni de gauche mais les choix de gestion sont politiques »
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