Plaisir, convivialité et partage. Trois mots qui définissent bien le Louchebem, ce restaurant situé au premier étage du marché Victor Hugo à Toulouse… Ou plutôt, qui “définissaient”, puisque les propriétaires viennent d’en fermer les portes après 30 ans de service.
Le Louchebem, restaurant emblématique de Toulouse, situé au premier étage du marché Victor Hugo depuis une trentaine d’années, a fermé ses portes le 26 mars dernier. Les propriétaires reviennent aujourd’hui sur l’histoire du lieu, ce qui en a fait sa réputation, et se souviennent de leurs habitués, comme des personnalités, venus y déguster les produits frais.
Le début de cette saga familiale remonte à 1947, date à laquelle la famille Boubes s’installe au marché Victor Hugo en tant que volaillers. Au même moment, la famille Deschamps y ouvre une loge de boucherie.
Lorsque quelques années plus tard, leurs enfants respectifs Martine Boubes et Jean-Philippe Deschamps, rejoignent les affaires familiales, ils tombent amoureux l’un de l’autre, dans les allées du marché. « Martine venait chercher de la viande pour ses parents chaque jeudi », se souvient Jean-Philippe Deschamps, avant d’évoquer leur union en 1976.
« En 1994, nous sommes montés d’un niveau », poursuit Jean-Philippe Deschamps. Ce niveau, c’est le premier étage du marché Victor Hugo où lui, sa compagne et leur fils Mathieu Deschamps, alors âgé de 17 ans, décident d’ouvrir un restaurant : Le Louchebem (un argot anciennement utilisé par les bouchers).
L’ambiance s’y veut familiale, simple et authentique. La volonté des propriétaires est de mettre le terroir à l’honneur. « La cuisine était centrée sur la volaille, la viande et le foie gras », résume le patriarche.
À leurs côtés, Josette Deschamps, la mère de Jean-Philippe, tout juste retraitée, assurait l’accueil au restaurant. « Les clients la surnommaient “Mamie Josette”. Mais elle n’aimait pas ça du tout. Alors elle s’est faite appelée “Mijo” », explique son fils.
« Les premiers clients du Louchebem étaient des habitués de notre ancienne boucherie au marché Victor Hugo », explique l’ancien restaurateur. Ils se rendaient au marché, « pour boire un coup », montaient au Louchebem, « pour boire un autre verre et manger », puis terminaient l’après-midi « dans les bars alentours », racontent en chœur Jean-Philippe et Mathieu Deschamps en riant.
« Nous, ce qu’on aime, c’est la troisième mi-temps »
« Puis le bouche à oreille a fonctionné », ajoute le fils. Si bien que les joueurs du Toulouse Football Club (TFC) et du Stade Toulousain venaient souvent s’y attabler. « Le rugby prend une grande place dans l’histoire du Louchebem. Nous, ce qu’on aime, c’est la troisième mi-temps », plaisante Jean-Philippe Deschamps, à l’image de la fête organisée au Louchebem pour la victoire du Stade Toulousain en Coupe d’Europe, en 2011.
Le restaurant a également vu passer de nombreuses personnalités locales comme Claude Nougaro, les Chevaliers du fiel, Jean-Pierre Mader, et même nationales comme Thomas Pesquet, Julie Depardieu ou l’écrivain Jean D’Ormesson qui avait sympathisé avec “Mijo”. « L’endroit est devenu incontournable », lance le père, empreint de fierté.
Les touristes aussi, étaient au rendez-vous. « Un jour, nous sommes passés dans le New York Times (article publié en 1998). L’été d’après, nous n’avions que des Américains à nos tables, c’était impressionnant », se souvient Mathieu Deschamps.
La grande majorité des produits proposés à la carte du Louchebem étaient achetés juste en dessous, au marché Victor Hugo. Et les plats ? Tous concoctés sur place. Au menu : une vingtaine de viandes, comme du confit de canard, du rôti d’onglet, de la saucisse de Toulouse avec son puis de jus creusé dans la purée. « Nous avons lancé l’entrecôte au foie gras il y a 25 ans. C’est un truc qui se faisait pas à l’époque. Alors que maintenant, on en voit partout », poursuit Jean-Philippe Deschamps.
« Notre cassoulet, c’était des “haricots sales”, comme dans la recette de notre grand-mère »
Mais aussi, de la salade de pot-au-feu, du foie gras, de la soupe de poisson ou encore le fameux cassoulet ; « “les haricots sales”, comme l’appelait ma grand-mère », se souvient le retraité. Sans oublier, le traditionnel cassoulet aux fèves, servis tous les premiers week-end du mois.
De 1998 à 2000, la famille Deschamps s’associe à une ancienne figure du Stade Toulousain, Daniel Santamans, pour ouvrir une seconde enseigne sur la place du Capitole : le “Louchebem MH Café”. Elle a été revendue et remplacée par un magasin de jouets pour enfants.
En 2005, la famille Deschamps ouvrait également un établissement de nuit, dans la rue Bayard à Toulouse : “Le Louchebem faim de nuit”. « Mais il y a une quinzaine d’années, la mairie a mis fin aux restaurants nocturnes, à cause des tapages », regrette Jean-Philippe Deschamps. Les locaux, jusqu’alors loués à d’autres commerçants, ont depuis été vendus.
« Le seul regret que nous avons est de ne pas avoir pu dire au revoir à nos clients à cause de la Covid-19 »
Quant au “Louchebem de Caro”, situé à Saint-Alban, et tenu par la fille de la famille Deschamps, Caroline, reste toutefois ouvert. « Là-bas, toute la cuisine est faite au feu de bois. Si vous voulez y manger, il faut réserver car elle a beaucoup de succès », se réjouit Jean-Philippe Deschamps.
Aujourd’hui, c’est tout un livre qui se ferme. Mathieu Deschamps, unique propriétaire du Louchebem de Victor Hugo depuis huit ans, souhaite « passer à autre chose », et sûrement se « lancer dans la vente de paniers garnis ». Quant à ses parents, Jean-Philippe et Martine Deschamps, ils comptent bien profiter de leur retraite. Aucun n’a de regrets. Mis à part celui de ne pas avoir pu dire “au revoir” comme il se doit à leurs clients à cause de la Covid-19.
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