Face aux mineurs délinquants, l’incarcération est souvent la dernière et la pire des sanctions. Bien plus une école du crime qu’un chemin vers la réinsertion. Avant, pendant et après, des solutions existent pour remettre l’éducation au cœur du dispositif et éviter la récidive. Alors que la ministre Nicole Belloubet vient d’ouvrir le difficile chantier de la réforme de la justice des mineurs, le JT a rendu visite aux associations, structures et personnels pénitentiaires qui veulent sortir ces jeunes de l’ombre.
Environ 3 000 mineurs sont incarcérés chaque année en France, un chiffre stable depuis dix ans. On en dénombrait exactement 876 au 1er février 2019, soit 1,1 % de la population totale des prisons, selon la Direction de l’administration pénitentiaire. 8 sur 10 sont des prévenus, c’est-à-dire en attente d’être jugés. Alors que seuls 30 % des détenus de plus de 18 ans sont dans ce cas : « Quand on dit que la justice des enfants est laxiste, on se trompe », souligne ainsi Alexia Paire, psychologue au sein de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et cosecrétaire nationale du syndicat majoritaire SNPES-PJJ-FSU.
« Quand on dit que la justice des enfants est laxiste, on se trompe »
L’incarcération en préventive ne peut excéder un an, soit six mois renouvelables une fois. Après la condamnation, d’après une ordonnance de 1945 fixant une excuse pour minorité, la peine doit être inférieure de moitié à celle d’un adulte. Des exceptions existent, notamment s’agissant d’actes terroristes commis entre 16 et 18 ans, soumis aux mêmes sanctions que celles des majeurs.
Un tiers des enfants sont détenus dans l’un des six Établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs (EPM) du pays — le plus proche de Toulouse se situant à Lavaur, dans le Tarn. Les autres le sont dans l’une des 47 maisons d’arrêt qui disposent de places pour eux, dans un quartier spécifique. En effet, selon le code de procédure pénale, les mineurs écroués doivent être obligatoirement isolés des adultes : « Ils ne peuvent sortir de leur cellule que lorsque les espaces communs sont libres. Ce qui ne représente guère plus de deux à quatre heures par jour, qu’il s’agisse de manger, d’aller en promenade ou de consulter un psychologue », rapporte Alexia Paire. Ceci ne concerne que les garçons. Car le principe de séparation entre mineurs et majeurs dans les maisons d’arrêt n’est quasiment jamais respecté chez les filles, trop peu nombreuses.
« Plus on est incarcéré jeune et plus il y a de risques que cela ne soit pas une parenthèse »
Notion clé de l’ordonnance qui régit la justice des mineurs depuis 1945, ces jeunes doivent faire l’objet d’une « intervention éducative continue ». Dans les EPM, celle-ci est assurée par une équipe pluridisciplinaire dédiée. Au sein des prisons, la scolarité est en revanche plus chaotique et ne représente que quelques heures de cours par semaine, les personnels enseignants ne pouvant suivre leurs élèves que de manière individuelle, compte tenu des difficultés que ces derniers rencontrent.
C’est à partir de l’âge de 13 ans que le juge des enfants peut décider d’une mise en détention : « Ce sont encore des êtres en construction, brutalement arrachés à leurs proches. L’enfermement va altérer leur rapport au temps, réduire leur champ de vision, développer leur ouïe et souvent provoquer des troubles psychologiques », récapitule la syndicaliste.
Cette dernière dénonce par ailleurs le manque de formation des surveillants et pointe l’incapacité du dispositif à limiter la réitération des méfaits. De fait, la plupart de ceux qui sont en prison aujourd’hui sont en récidive, principalement pour des vols avec violence, comme des arrachages de téléphone portable, ou pour la vente de stupéfiants, en général du cannabis. « Plus on est incarcéré jeune et plus il y a de risques que cela ne soit pas une parenthèse » conclut Alexia Paire.
© Le Journal Toulousain
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