Douteux. Dans les rues toulousaines les gargotes se montent, s’animent puis disparaissent aussi sec. Une jolie valse d’appétissantes (ou pas) vitrines qui fait preuve d’un climat économique peu enclin à rendre une société pérenne mais pointe aussi une problématique inhérente à la restauration : son manque de professionnalisme…
Par Séverine Sarrat et Aurélie Renne
« On est sérieux ou on ne l’est pas, mais il existe clairement beaucoup d’excès dans ce métier », voici en deux mots comment Max Busquet, ancien gérant de la bien connue Petite Italie, parle de sa profession. Il évoque les quelques contrôles sanitaires auxquels il a eu droit dans son établissement : « seulement trois en dix ans, mais il faut surtout s’attendre à un contrôle dès lors qu’un restaurant ouvre, change de patron, etc… Ensuite les visites sont générées par des signalements de la part de la clientèle… » Autant dire des plaintes suite à une intoxication alimentaire ou autre expérience malheureuse. « Il y a beaucoup de critères à respecter, et ce ne sont pas des rapports de complaisance qui découlent de ces visites! » Il rapporte un flicage plus qu’utile car « c’est un métier peu encadré, n’importe qui peut ouvrir un resto », comme le confirme Patrice Michelet, ancien gérant et fondateur du Grand Zinc, et président du Synhorcat Midi-Pyrénées (Syndicat des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs) : « un simple permis d’exploitation suffit ! » Jean-Philippe Deschamps, vice président de la branche restaurant à l’UMIH31 ajoute : “le problème est souvent mis en lumière dan les kebabs et autres lieux de restauration de nuit où les gens sont peu formés et subissent une amplitude de travail trop importante pour faire les choses correctement”.
Pourtant des solutions existent pour se préparer au pire. Certaines sociétés proposent notamment des audits : « L’idée est de payer un labo qui envoie lui-même un agent de manière inopinée. L’idée est d’être irréprochable tout le temps et cela ne coûte qu’une centaine d’euros par trimestre. » Le concept ? S’imposer une rigueur pour être prêt face aux services sanitaires le moment venu. Une fiche bilan est d’ailleurs établie à chaque visite pour remédier aux anomalies détectées, qui devient aussi un moyen pour le gérant d’un restaurant de montrer sa bonne volonté… À Toulouse, c’est en priorité le Service communal d’hygiène et de santé qui est sur le coup, aidé de la délégation départementale de protection de populations (DDPP) dans certains cas.Les inspecteurs de salubrité de Toulouse, sont une quinzaine à se partager la ville (25 côté DDPP pour la Haute-Garonne). Le but étant de contrôler tous les restaurants, épiceries, boulangeries… bref tout commerce vendant de l’alimentation, régulièrement. À raison d’une vingtaine de contrôles inopinés par mois, tout le monde y passe, irrémédiablement, les petits établissements comme les étoilés.
« Une trentaine de plaintes dans le département en 2014 »
La DDPP organise également ses propres visites surprises, priorisant les établissements ciblés par des plaintes : « Dans le cas d’une plainte ou d’une suspicion d’intoxication alimentaire, une enquête est engagée. Au niveau du département, on recense une trentaine de plaintes en 2014 (36 en 2013 pour 3000 restaurants, ndlr) ». Les normes imposées par les services d’hygiène restent draconiennes et pas toujours faciles à suivre, mais « les contrôleurs restent conciliants même s’ils doivent rester intraitables sur les points importants, d’abord pour garantir aux clients une alimentation en toute sécurité et ensuite pour trier les vrais restaurateurs des amateurs qui peuvent aller jusqu’à installer la litière du chat dans leur cuisine », explique Patrice Michelet. Pour lui, aucune cuisine n’est réellement aux normes, « c’est quasi impossible, sinon les ¾ des établissements toulousains seraient fermés. En revanche, si un restaurant est fermé pour cause sanitaire, je vous déconseille d’y manger…» Les contrôles les plus stricts se portent d’abord sur la propreté des lieux, comme en témoigne un ancien technicien territorial, en charge de ces derniers : « nous regardons les murs, les sols, les éléments de cuisine, mais aussi les frigos et chambres froides, les dates limite de consommation pour s’assurer de leur respect. Nous vérifions que les produits entamés sont conservés sous film, et l’hygiène du personnel ainsi que des sanitaires. » Effectivement, « certains établissements peuvent se retrouver en difficulté financière suite à une mise aux normes », souligne le président du Synhorcat. Mais les sanctions sont éditées de telle manière qu’elles ne pénalisent pas forcément le restaurateur : une première visite est effectuée puis une seconde pour vérifier que les points relevés ont été corrigés. Si les infractions constatées sont plus graves, la sanction peut aller jusqu’à la mise en demeure, avec délai préétabli, pour imposer la remise aux normes. Si la démarche est inefficace, un procès-verbal est dressé et envoyé au Procureur de la République qui peut ordonner la fermeture pour travaux. « Et croyez-moi, les pires ne sont pas forcément les kebabs et les chinois contrairement aux idées reçues ! » ironise l’ancien inspecteur. Une idée peu répandue que corrobore pourtant Max Busquet dans le métier depuis 30 ans : « C’est loin d’être une science exacte et ce sont parfois chez les meilleurs dont on sort malade ! »
« Si 90% des restaurateurs professionnels sont dans les clous, c’est plus compliqué pour les amateurs, qui, souvent par manque d’information, ne suivent pas les normes d’hygiène », confie Patrice Michelet. Pour y remédier, une formation d’hygiène alimentaire, de deux jours, est devenue obligatoire depuis 2011. « C’est la base, car à Toulouse, on recense environ un millier de restaurants ouverts avec plus ou moins de professionnalisme ! Certains cas sont dramatiques : l’ingénieur en reconversion dont la femme aime faire la popote… » Max Busquet dénonce un métier fourre-tout que l’on sous-estime parfois car il ne suffit pas « de savoir faire la cuisine à ses amis pour s’improviser restaurateur ». À ce jour, difficile de savoir si cette mini formation change les choses car « ce n’est obligatoire que depuis 2011 et elle ne concerne que ceux qui souhaitent ouvrir un établissement… il va donc falloir plusieurs années avant d’en récolter les bénéfices », regrette Michèle Eymery, docteur vétérinaire, chef du pôle sécurité, qualité, loyauté à la DDPP de Toulouse. Elle prévient pourtant : « Attention car, dès 2016, une loi oblige à plus de transparence : les résultats des contrôles effectués seront visibles sur le site du ministère». Une sacrée mauvaise publicité pour ceux qui ne seraient pas en conformité…
En chiffres :
En 2014 la DDPP a contrôlé 160 restaurants et généré :
-50 avertissements
-16 mesures de police administratives
-3 fermetures (7 en 2013)
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