À 93 ans, Annie Beck témoigne pour dire l’indicible et dénoncer « l’indifférence passive », qui a permis les atrocités de la Deuxième Guerre mondiale. L’exposition “Gamins d’hier, ados d’aujourd’hui”, organisée au Musée de la résistance et de la déportation jusqu’à fin septembre, raconte notamment son histoire. – Monique Castro
© Franck AlixNée en 1925 à Varsovie, Annie Beck, qui s’appelait Anna Bach, grandit à Nancy où elle passe « une enfance heureuse ». En 1940, fuyant l’avancée des nazis, la famille part à Bordeaux. Obéissant aux lois de Vichy, son père se fait recenser comme Juif. « Je n’ai jamais compris qu’il l’ait fait. Il disait pourtant qu’il n’avait rien à cacher », regrette-t-elle.
La famille est arrêtée en juin 1941, Anna est enfermée avec son père dans un camp près de Tours. Ses petites sœurs, Hélène, 12 ans, et Ida, 9 ans, trop jeunes pour être internées, sont assignées à résidence avec leur mère, tout près du camp « gardé par des Français.» Un matin de juillet 1942, les Allemands sont arrivés. « Ils nous donnaient des coups de crosse. Nous faisions la queue pour monter dans les camions quand mon père a repéré un trou dans les barbelés. Il m’a dit: “Cours Anna”. Je ne l’ai jamais revu. »
Recueillie par des résistants, Anna se réfugie à Toulouse chez sa tante avant d’être prise en charge par le réseau du cardinal Saliège, l’un des rares responsables religieux à avoir aidé les Juifs. Elle est cachée pendant deux ans au couvent de Notre-Dame de Massip, dans l’Aveyron avec 80 autres enfants juifs. C’est là qu’Anna « trop connoté » devient Annie.
« Un jour, je suis revenue à Nancy, voir l’appartement où je vivais. » Un homme l’accoste dans la rue : « Tu es la petite Bach ? J’étais avec ton père à Auschwitz. » Elle apprend que ce dernier faisait partie des commandos qui retiraient les corps des chambres à gaz. Le jour où il a vu ceux de sa femme et de sa fille, il s’est jeté sur les fils de fer barbelés électrifiés.
À la fin de la guerre, Annie retourne chez sa tante, à Toulouse. « Pas question de reprendre mes études, il fallait que je gagne ma vie. » Elle apprend le secrétariat en six mois et à 19 ans rencontre celui qui deviendra son mari. « J’avais décidé de vivre. On doit se souvenir, mais ne pas être prisonnier du passé », lance-t-elle.
La rédaction
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