RATIONALISATION. Pour préserver les services publics en milieu rural et périurbain, Jean-Louis Chauzy, président du Conseil économique, social et environnemental de Midi-Pyrénées, demande un moratoire au gouvernement. Il en explique les motivations et précise ses arguments.
Jean-Louis Chauzy, à l’heure de la fusion des régions, vous rappelez la diversité du territoire et demandez à ce que les zones rurales ne soient pas oubliées. Comment garantir un équilibre territorial ?
Notre préoccupation de l’équilibre du territoire est ancienne, bien avant de savoir que nous aurions de nouvelles régions. Dans les années 1980 déjà, le débat évoquait la ville de Toulouse en tant que capitale d’un désert. Dès l’apparition de la politique des Pays (loi Voynet de juin 1999, voir carte des Pays en fin d’article), tous nos avis sur la politique territoriale de la Région, et d’autant plus lorsqu’elle a eu la compétence de préparer un schéma régional d’aménagement du territoire, contenaient un chapitre concernant les services publics. Ces derniers mois, j’ai été interpellé par des syndicalistes et par des maires ruraux qui demandaient un moratoire pour le maintien des services publics tout en m’informant de fermetures d’écoles dans le Lot, d’une fermeture de perception à Boussens… Dans la perspective de la fusion et de la loi Notre, un nouveau schéma à caractère normatif devra être élaboré. Si l’on veut éviter le décrochage entre l’urbain et les territoires infrarégionaux, il faut réclamer un moratoire et travailler dans la concertation avec l’État, dans chaque département, pour dessiner la carte des services publics en prenant en compte la carte des pôles territoriaux. Tout cela pour éviter les services sans public et les publics sans service. Une adaptation est nécessaire, mais pas au détriment d’un socle de services publics, garant de l’équilibre et l’équité des territoires. L’urbain n’a pas réponse à tout !
L’un de vos arguments évoque les gains en population des territoires ruraux…
Les gains démographiques font état de 30 000 habitants supplémentaires en Midi-Pyrénées : 15 000 s’installent dans l’agglomération de Toulouse et les autres dans les territoires ruraux. De même, 50% des emplois sont concentrés sur ces zones rurales comme en Aveyron où se trouve la Mecanic Vallée. Ainsi, pour rester attractif auprès des entreprises, attirer les habitants, il faut un service public. Ce n’est pas par opportunité politique que nous intervenons maintenant, car nous portons cette préoccupation dans notre histoire-même. Simplement, l’actualité de la fusion des Régions nous pousse à réaffirmer que les territoires ruraux ont un avenir, à condition d’un maintien du socle de services publics dont les habitants ont besoin.
Vous soulevez également la participation des services publics au développement économique des territoires, en quels termes ?
Notre ruralité est dynamique, y compris en montagne et attire donc entreprises et salariés. Ces territoires doivent pouvoir leur apporter des réponses en matière de services publics et ainsi les retenir. En matière d’éducation, de santé, de numérique… le nécessaire doit être accessible. De même, pour se maintenir, un artisan a besoin d’un bureau de Poste et de pouvoir satisfaire aux besoins de sa famille.
« Éviter les services sans public et les publics sans service »
Les suppressions des services publics sont donc un problème, leur qualité également ?
La qualité doit être préservée, car, en période de crise économique, les services publics permettent à la société de ne pas sombrer. Ils représentent le vivre ensemble de la République, et doivent être la garantie que toutes les catégories sociales se sentent écoutées et entendues. Les services publics sont au cœur du Pacte républicain en France. Leur qualité doit être travaillée. Par exemple, en ce qui concerne les écoles dans le rural profond, la mutualisation des bassins éducatifs, de même que la carte sanitaire de proximité, permet d’aboutir à un service de qualité par la mise en commun de leurs expertises et compétences.
La fusion des régions a été pensée pour réaliser des économies, comprenez-vous que la suppression de certains services publics aille également dans ce sens ?
Nous verrons dans 5 ans si cette fusion a réellement participé à faire des économies… Le pourquoi elle a été faite a déjà été perdu de vue ! Il faut construire une politique nouvelle et cela prendra le temps de la mandature. La France concentre 40% des élus de la Communauté européenne : c’est une anomalie qui a un coût exorbitant ! Mais les services publics eux, ne sont pas redondants. Le problème majeur est que plusieurs structures ont les mêmes compétences, ainsi l’expertise a lieu plusieurs fois. Il est certain que des mutualisations doivent avoir lieu et l’on ne demande pas qu’elles soient réalisées au niveau communal, mais au niveau des bassins de vie, d’emploi.
Vous demandez donc un moratoire pour rationaliser tout cela ?
Nous allons rencontrer le préfet de région pour demander une concertation et dès que la région sera dotée d’un(e) président(e), nous demanderons que l’élaboration du prochain schéma régional d’égalité des territoires comprenne un chapitre ‘’services publics’’ et que ces derniers soient organisés par territoire de projets et zones d’emploi (voir carte). De même, nous souhaitons que la charte du service public soit annexée aux projets de territoire avec lesquels la Région et l’État passeront un contrat pour acter l’organisation des services publics pour la durée du contrat.
Carte des Pays en Midi-Pyrénées Zones d’emploi de Midi-Pyrénées
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