À Toulouse, le CBD, du nom scientifique de cannabidiol, est en passe de devenir un phénomène de mode. Boutiques spécialisées, tabacs, et parfois même certaines pizzerias proposent à la vente cette molécule de chanvre.
Ils étaient une poignée de précurseurs, parfois sulfureux, souvent totalement légaux, et surtout gardés à l’œil par la police. Et c’était il y a trois ans. Mike et Alice, un couple de jeunes entrepreneurs toulousains, s’installent au 2, rue Matabiau. Entre les quatre murs de leur échoppe, du CBD sous toutes ses formes. Fleurs, résines, infusions, cosmétiques, vapes et accessoires ; les étagères sont pleines. Précurseurs de la tendance dans la Ville rose, Mike se souvient avoir « trop » souvent été apparenté à l’illégalité. « En 2018, quand nous avons ouvert, c’était quand même très compliqué, les policiers par exemple, n’avaient aucune information en interne, est-ce légal ou non, comment est-ce qu’on réagit ».
Pourtant, aucune transgression de la légalisation dans la boutique toulousaine. « Le CBD en soit est une molécule, présente dans tous pieds de cannabis, légaux ou illégaux. La différence majeure, c’est la présence de THC. Chez nous, pour que le produit soit légal, il doit être nécessairement inférieur à 0,2% » informe Mike. « C’est une molécule qui vient détendre et apaiser notre système nerveux central, donc ça vient vraiment réduire tout ce qui est lié à des douleurs, de l’anxiété, des problèmes de sommeil. Et ce sans jamais n’avoir d’effets psychotropes et donc sans aucun effet nocifs pour la santé ».
Malgré ce passé tumultueux, la filière CBD a confirmé sa légalité le 20 novembre dernier. La Cour de justice européenne avait alors statué sur deux points : la fleur, extraite du chanvre, n’est, à partir de cet arrêt pris par la justice européenne, plus considérée comme un narcotique. Tout produit fabriqué à base de CBD, en Europe, est totalement libre de circuler en Europe. La Cour, finalement, juge « illégale l’interdiction de CBD en France ».
Cette semaine, c’est Laurent qui a passé la porte du CBD Toulouse, jouissant pleinement de cette légalité. « C’est ma première fois », taquine l’informaticien. « J’ai des collègues qui m’ont avoué passer de bien meilleures nuits depuis qu’ils consomment ». Et Laurent n’est d’ailleurs pas le seul à se diriger vers cette molécule du cannabidiol. Identifié en 1963, le CBD connait un essor fulgurant. En effet, selon le Syndicat professionnel de chanvre, le marché de cette molécule pèse aujourd’hui 150 à 200 millions d’euros et pourrait atteindre le milliard d’ici à 2023. Le pays compte aujourd’hui près de 400 boutiques du genre, soit presque quatre fois plus qu’avant l’été 2018. Pour Mike, le gérant de CBD Toulouse, ce succès connu aujourd’hui en France, et principalement dans ses grandes villes, s’explique notamment par la prospérité du produit chez nos voisins frontaliers. « Chez nos confrères israéliens, espagnols ou même italiens, la consommation est bien plus épanouie qu’ici ».
Cet essor passe également par la multiplication de mauvaises réactions suite à la consommation de produits au taux de THC élevés comme le cannabis. « Parmi les produits illégaux, on peut compter parfois des produits qui vont varier entre 23 et 38% pour les plus élevés en THC ». Un phénomène qui va de pair avec de nombreuses « mauvaises réactions » chez les jeunes. « On voit souvent des cas de paranoïa, de bad-trip et ainsi de suite » confirme Mike. C’est d’ailleurs le cas de Lilou Perez. « Je consommais depuis neuf ans du cannabis » se confie la cuisinière d’une brasserie à Blagnac. « Je suis aujourd’hui en clinique pour arrêter, et me suis donc dirigée vers le CBD pour compenser ». Une technique que la jeune femme met en place depuis deux mois déjà. « Ça fonctionne bien », glisse-t-elle dans un sourire. « Et en plus je dois y mettre environ 30 euros par mois, contre 300 avant ».
Passer la porte de boutiques de CBD, leur « permet de trouver un produit au goût similaire, mais sans aucun effet néfaste ». Pourtant, les clients ne sont pas uniquement d’anciens accros au cannabis. « Nos doyens, un couple toulousains, ont 95 et 96 ans » s’amuse Mike. De l’ancien consommateur de THC, qui veut retrouver un produit centré « sur la détente », aux clients en souffrance, souvent dirigés par des médecins, tous types de profil passent la porte du 2, rue Matabiau. « Je me suis fait opérer trois fois de la colonne vertébrale », glisse d’ailleurs Edouard souffrant encore malgré la prise régulière d’huile de CBD. « Malgré la morphine, j’ai toujours mal. Alors j’ai essayé de voir si le CBD diminue les douleurs », poursuit-t-il.
« Nous sommes persuadés que d’ici quelques années, nous pourrons voir des mutuelles prendre en compte une part d’huile CBD au quotidien pour éviter les burn-out, éviter cette accumulations de stress au quotidien », enchaîne Mike. La crise du Covid-19 favorise elle aussi l’essor de cette molécule. « Le fait d’être à la maison, de ne pas savoir de quoi sera fait demain, de douter de la pérennité de son emploi, augmente considérablement l’envie de naturel pour s’apaiser, se détendre ».
Salomé Dubart
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