Lola est une étudiante de 24 ans. Elle est indépendante financièrement grâce à une autre activité que le traditionnel job étudiant. “Money miss” ou encore “sugar baby”, la jeune femme exerce les deux, à Toulouse. Elle parvient à vivre confortablement en humiliant des hommes plus âgés ou encore en entretenant une relation intime, mais virtuelle, avec eux, moyennant finance.
À quelque pas de la gare Matabiau à Toulouse, Lola* ouvre les portes de son appartement niché au sixième étage d’un grand immeuble des années 1970. L’étudiante de 24 ans est souriante mais son visage est marqué par les cernes, témoins de sa soirée de la veille. Il est 9h30 et elle s’excuse d’être encore en pyjama. L’odeur du café mêlée au linge fraîchement lavé embaume le salon. « J’ai claqué 100 euros en cocktails hier soir », lance t-elle en rigolant.
Pourtant, elle ne bénéficie d’aucune aide de la part de ses parents, elle n’a ni bourse ni travail “classique”. Néanmoins, la jeune femme est indépendante financièrement. En France, 20% des étudiants français vivent sous le seuil de pauvreté d’après une étude de l’Insee. La plupart n’ont pas d’autres choix que d’assumer un job étudiant en parallèle de leurs cursus. Lola admet qu’elle a trouvé une alternative qui lui permet de se faire de l’argent « sans trop d’efforts ». C’est une amie qui lui a expliqué le concept de “money miss”. À présent elle a trois clients : deux “money slaves”, des hommes qui paient des femmes pour qu’elles les humilient, et un “sugar daddy”, qui offre des cadeaux et de l’argent en échange de messages coquins.
D’ailleurs, ce mois ci, ses clients ont payé l’intégralité de son loyer, 700 euros au total. Avec les money slaves, cela passe notamment par des insultes, des gifles ou d’autres pratiques. « J’ai trouvé mes money slaves en une journée sur un site spécialisé. C’est vraiment de l’argent facile », confie l’étudiante d’un air désintéressé en arrangeant ses longs cheveux. Très à l’aise, elle explique comment elle s’y est prise. Il suffit de s’inscrire sur le site, de créer un profil et de se lancer. « En général, ce sont les hommes qui te contactent, mais tu peux aussi envoyer des messages pour trouver des clients », assure Lola.
Assise sur la table de la salle manger, l’étudiante se sert un verre d’eau, et lance un regard vers sa collection de mangas qui témoigne de son amour pour la culture nipponne. « Je rêve d’aller au Japon. Grâce à mon activité, je fais des économies pour pouvoir y aller », confie la jeune femme en fixant les livres. En attendant son grand voyage, elle profite des cadeaux que son sugar daddy lui offre. Un homme âgé d’une cinquante d’années qu’elle a également rencontré sur Internet. « Mon travail consiste à lui parler tous les jours par messages et lui envoyer une photo ou vidéo coquine par jour en échange d’argent et de cadeaux ». Il lui offre des vêtements ou des chaussures qu’elle a auparavant choisis.
Lola se glisse ainsi quotidiennement dans la peau d’un personnage qu’elle a créé de toute pièce pour subvenir à ses besoins. Le temps de sa prestation, la jeune femme pétillante, à l’allure athlétique, devient une dominatrice. « C’est assez plaisant de jouer la comédie », avoue-t-elle.
L’étudiante en commerce ne peut compter que sur elle-même. Elle est née au Pérou au sein d’une famille modeste. « J’ai eu une enfance compliquée, mon père était toxicomane », souffle la jeune femme en posant ses bras le long de ses jambes. « J’ai vu et subi la violence ». Sa mère et elle ont fui le Pérou quand elle avait 5 ans afin de s’installer en France. « Au début, nous vivions en foyer et nous n’avions pas trop les moyens », confie la jeune femme, le regard fuyant.
Avec le temps, la situation a changé, Lola est devenue « dépensière » : « J’ai acheté un piano à 1 200 euros, mais je ne sais toujours pas m’en servir », admet-elle amusée en montrant ce grand piano blanc qui trône au-dessous de grandes fenêtres illuminant la pièce.
Une confiance mutuelle s’est installée avec le premier money slave. À présent, leurs pratiques ont lieu chez elle. Elle ouvre les portes de son intimité pour assurer son anonymat et celui de son client. « En général, les money slaves sont des hommes d’affaires qui cherchent à inverser les rôles, le temps de la prestation”, explique l’étudiante. La jeune femme commence à apprécier la sensation de pouvoir qu’elle exerce sur ses clients. Dans son cercle d’amis, certains, à l’image de Julie, parlent de Lola comme d’ « une personne charismatique et sûre d’elle ». « Être une money miss me donne confiance en moi », assure-t-elle.
La rémunération régulière peut être complétée de quelques extras en fonction de la nature de la demande. Pas de relation sexuelle et pas de contact physique. C’est la seule règle qu’elle s’est fixée. Hormis cela, elle est prête à assouvir les fantasmes de ses clients. Un de mes money slave « a payé 50 euros pour me lécher les chaussures », avoue la jeune femme. Un autre a voulu qu’elle le balade en laisse chez elle.
Avec son entourage, elle en parle ouvertement même si son activité ne fait pas l’unanimité : « Tu profites d’eux. » « Ils sont malades. » Ou encore : « Ils pourraient s’en prendre à toi. » Des arguments qu’elle peut entendre. Gagner de l’argent facilement peut séduire mais ces activités ne sont pas sans risques. Rien ne garantit que les sugar dadies ou les money slaves protègeront toujours l’anonymat des jeunes femmes. De plus, les plaintes de sugar babys concernant des agressions de la part de clients se multiplient. Lola préfère hausser les épaules et ne pas y penser, même si elle comprend les risques. D’ailleurs, au début, elle avoue avoir eu peur : « Les premières fois où j’ai rencontré un money slave, je demandais à une amie de se cacher, pas très loin, pour surveiller. » Mais l’appréhension a tôt fait de laisser place à l’argent facile. Au point qu’elle a converti certaines de ses amies. C’est le cas de Jade, qui l’a accompagnée à un distributeur en présence d’un money slave : « Je lui ai ordonné de me donner sa carte bleue et son code. On l’a giflé toutes les deux et on a gagné 300 euros en moins de cinq minutes. »
*Le prénom a été modifié
Lilia Ouzzane
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