La “Maison ” de Moissac
Une histoire parvient à ceux qui foulent l’Esplanade des Justes parmi les nations à Moissac. Une histoire soufflée par le vent, confirmée par les livres et les paroles des vivants. Celle de 500 enfants et jeunes adultes juifs sauvés pendant la guerre.
« Personne ne nous a dénoncés. C’était un silence actif. Pas un enfant n’a été pris », assure Jean-Claude Simon. À Moissac, personne ne pouvait ignorer qu’au 18 quai du Port, vivaient des enfants juifs. « Quand on allait aux douches municipales, on traversait la rue en hurlant des chansons juives ! » Les premiers réfugiés arrivent en zone libre en 1939. Shatta et Bouli Simon, les parents de Jean-Claude, ouvrent en décembre la Maison de Moissac des Éclaireurs israélites de France. Ils y accueillent des mineurs, souvent orphelins, venus de toute l’Europe. Ces derniers apprennent le français avant d’intégrer l’école du village. Les plus grands se forment même à un métier. Une photo en noir et blanc les montre déjeunant au soleil. Une autre a été prise lors d’un mariage, toujours devant la maison, repère immuable. Catherine Lewertowski, une ancienne pensionnaire, cite dans son livre “Les Enfants de Moissac 1939-1945” (Flammarion 2009, préfacé par Boris Cyrulnik) Henri, alias Jouf de son totem scout : « Je ne sais pas comment ils ont su créer une ambiance si familiale malgré l’absence de nos parents ? La Maison était toujours joyeuse. Même si la période était terrible… Et cela nous a forgés pour la vie. »
Le grand “planquing”
Quand les rafles s’intensifient, les scouts sont envoyés camper au loin, ce qui leur sauve la vie. Des liens ont été tissés avec les autorités – jusqu’au préfet et à l’évêque de Montauban – qui procurent papiers et cartes d’alimentation. « Il n’y a pas un papier que la mairie de Moissac et la préfecture de Montauban ne nous aient donné », assure Shatta Simon. L’historien François Boulet (“Moissac 1939- 1945. Résistants, Justes et Juifs”, éditions Ampelos 2016), évoque une lettre dans laquelle Bouli demande aux commissaires de la métropole si des familles peuvent recueillir « les gosses qui [leur] sont confiés ». Ces « gosses » seront cachés chez des particuliers, dans des internats, dans des monastères… C’est le grand “planquing”.
Avant le départ, Bouli a cette phrase, comme une prière, une bouffée d’espoir fou : « Rendez-vous tous ici le premier Shabbat après la Libération. » Catherine Lewertowski écrit : « Ce vendredi soir de septembre 1944 à Moissac, par autobus, par le train, en auto-stop, nous arrivions de tous les coins de la France où nous avions été cachés. »
Ils seront près de 300 à revivre avec les époux Simon. La Maison s’avère trop petite, aussi ils investissent le Moulin de Moissac jusqu’en 1951. Depuis, l’histoire s’était tue, endormie. « Le livre de Catherine m’a réveillé », dit Jean-Claude Simon, devenu président de l’association Moissac, ville de Justes oubliée. « Nous avons recherché ceux qui nous ont cachés. » Dix Moissagais sont reconnus Justes parmi les nations, dont l’ancien secrétaire de mairie. L’été prochain, l’exposition “Que sont-ils devenus ? ” pourrait se tenir à Moissac. L’occasion de recueillir la parole des enfants d’hier.
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