Quels sont les comptoirs et les terrasses où Jean Jaurès, Paul Sabatier et Jean Mermoz pouvaient se donner rendez-vous, quand ils souhaitaient s’en jeter un petit en travers du gosier ? Retour sur un siècle de bistrologie toulousaine.
Il existe encore à Toulouse des cafés où l’on peut s’envoyer, à l’ancienne, un verre de Quinquina servi rasibus sur un tonneau. Fondé en 1889 par l’honorable Louis Simorre, dont le portrait trône dans l’arrière-salle, le Père Louis s’est fait une spécialité de ce petit vin apéritif. « Ici, il n’y a pas de musique. On vient au bistrot pour parler », lance Patrick Mistou, qui a repris, il y a 25 ans, cet établissement inscrit au patrimoine de la ville : « Tout est resté dans son jus. Nous avons servi plusieurs générations au fil du temps. Il paraît même que Saint-Exupéry mangeait régulièrement ici, comme beaucoup de peintres et d’aviateurs. » D’ailleurs, au-dessus d’innombrables bouteilles à l’effigie du fondateur, de grandes fresques représentent diverses vues de la Garonne. Des oeuvres datées de 1942 et signées par Paul Alméric. « L’histoire raconte qu’il les a réalisées pour payer ses consommations », s’amuse le patron.
Tout aussi légendaire, la terrasse du café de la Concorde offre un coin d’ombre emblématique sous sa marquise ”belle époque”. Bien que la date de sa création ne soit pas exactement documentée, il semblerait que cette brasserie ait ouvert ses portes à la fin du XIXe siècle. Ses murs jaunes ont vu les notables du quartier jouer leurs parties de cartes ou de billard et les ouvriers organiser leurs réunions syndicales. L’illustre Jean Jaurès préférant la terrasse du Bibent, premier café à proposer de la bière en pression, pour y écrire ses projets de loi.
Au café Authié, qui fête ses 137 ans, ce sont les résultats sportifs qui ont longtemps attiré les consommateurs. « Le lieu a été tenu par la famille Authié pendant trois générations. Puis il a été racheté par Monsieur Ladousse dans les années 1950. Celui-ci servait en veston et mettait à jour les résultats sportifs de la France entière, toutes disciplines confondues, sur deux grandes ardoises. Cela a marqué les gens », raconte Olivier Guinou, qui a repris la main en 2009. Ce collectionneur passionné de brocante et d’antiquités a transformé l’établissement en petit musée de la plaque émaillée, ces publicités typiques de la première moitié du vingtième siècle. D’innombrables réclames, toutes vantant les bienfaits de boissons françaises, couvrent les murs et rappellent le temps où les catcheurs locaux venaient y déguster leur apéritif avant de monter sur le ring. « À une époque, la Halle aux grains était une salle de sport et accueillait de nombreux combats. Les lutteurs se défiaient et mesuraient leur force au comptoir en tordant la main courante sous le zinc », s’amuse le propriétaire actuel. Mais c’est une autre histoire.
Nicolas Belaubre
Nicolas Belaubre a fait ses premiers pas de journaliste comme critique de spectacle vivant avant d’écrire, pendant huit ans, dans la rubrique culture du magazine institutionnel ‘’à Toulouse’’. En 2016, il fait le choix de quitter la communication pour se tourner vers la presse. Après avoir été pigiste pour divers titres, il intègre l’équipe du Journal Toulousain, alors hebdomadaire de solution.
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